Les ados et leurs croyances. Comprendre leur quête de sens et déceler leur mal-être
Philippe LE VALLOIS, Christine AULENBACHER, éditions de l’Atelier, 2006, 160 p.
Depuis quelques d’années, l’attirance de certains adolescents pour le paranormal et les croyances parallèles déstabilise et inquiète les adultes. Voilà un ouvrage fort intéressant qui permet d’éclairer cette fascination. Première explication, des traits de personnalité propres à favoriser l’attirance pour les pratiques occultes : une pensée magico irrationnelle ou une prédominance pour l’attribution externe de la destinée (conviction d’être influencé et déterminé par des circonstances ou des puissances extérieures). Seconde explication proposée par les auteurs, la phase particulièrement vulnérable que constitue l’adolescence. Le besoin de se démarquer et d’exister par lui-même peut amener un jeune à adopter des modes qui le distinguent du monde des adultes. Il peut chercher des moyens pour canaliser, voire exorciser ses appréhensions face au réel. Plus il craint de ne pas être à la hauteur des exigences qui pèsent sur lui, plus il peut choisir de faire peur, pour dissimuler ses propres anxiétés et cacher ses inquiétudes. Nombre de ces croyances viennent en effet percuter les problématiques adolescentes : le satanisme dans ce qu’il encourage l’absence de limites et revendique une libido débridée, le mouvement gothique qui valide l’intérêt pour la mort, le spiritisme en ce qu’il renvoie à la quête des origines ou au sens de la vie. Mais, il est une troisième explication apportée par les auteurs pour comprendre l’attrait pour les croyances parallèles. Elle fait référence aux mutations de la société moderne. Il y a d’abord cette multiplication des repères, des références et des valeurs qui ont supplanté les identités autrefois assignées d’en haut. Il y a ensuite l’affranchissement progressif des tutelles et de l’emprise du collectif si longtemps prégnant. Les certitudes ont disparu, les règles sont devenues floues et instables, les normes ont perdu de leur autorité : il n’y a plus de place que pour la quête d’authenticité, quête de limites et quête de sens. Le choix individuel et le primat de la souveraineté personnelle faisant dorénavant loi, la vérité religieuse ne se présente plus comme un donné reçu ou comme un héritage mais comme un outil au service des besoins de l’individu. Les croyances n’apparaissent légitimes que si elles sont utiles. Et les tendances majeures de cette croyance chez les adolescents sont marquées par la sortie de la religion dominante, la défiance face aux institutions, le subjectivisme (chacun croit ce qu’il veut), le relativisme (toutes les croyances se valent), le nomadisme (changement fréquent de convictions)… Le croire souple, mobile et individualisé se substitue au croire référé à un credo traditionnel. Il n’y a rien là de bien inquiétant. Le dérapage intervient quand toute une série de comportements extrêmes surgissent (cassures brutales avec la vie antérieure ou replis sur soi), quand la relation au corps bascule (tatouages, piercings, scarification, automutilations …), quand le discours change (propos violents, haineux, virulents, extrémistes …) ou quand les centres d’intérêt se modifient profondément (intérêt appuyé pour le morbide). Dans tous les cas, les adolescents ont besoin de l’écoute bienveillante et du respect des adultes, seules attitudes à même de renforcer leur confiance en eux et en les autres.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°831 ■ 08/03/2007