Questions d’adolescent

Dr Christian SPITZ, Odile Jacob, 1994, 351 p.

Je fais partie de ceux qui ont été choqués par l'interpellation du CSA concernant l'émission de Fun-Radio "Lovin’fun".

J'avais eu l'occasion d'écouter à plusieurs reprises le "doc" et "difool". Certes, les questions posées par les ados m'avaient parues parfois bien "crues". On pouvait supposer des paris entre gamins 't’es pas cap" — pour savoir qui parlerait de la façon la plus osée...

Mais au-delà, les interrogations m'ont semblé toujours recouvrir une authentique problématique d'adolescents, n'en déplaise aux vieilles barbes et gardiens de la bonne morale.

Faire taire cette émission ou vouloir la modérer relève d'une fantastique hypocrisie : on ne contribue pas à répondre aux problèmes en en censurant l'expression ! Au contraire, le ton Provocations/Informations et Dérisions/Recommandations passe à merveille, je trouve, permettant à la fois de répondre aux angoisses des jeunes auditeurs et de montrer qu'on peut aborder avec sérieux des sujets qui ne sont pas (ou plus) tabous.

Aussi, c'est avec beaucoup d'intérêt que je me suis plongé dans le livre du Docteur Spitz (pas René mais Christian), alias "doc".

Mais là, quelle déception !

On est loin du dynamisme et du punch de l'émission.

Le ton est plutôt au discours sage et docte, sans qu'on sache tout au long des 351 pages si l'interlocuteur choisi est le jeune ou l'adulte.

Résultat le risque est gros de barber l'un et l’autre.

L'ouvrage est consacré à deux thèmes essentiels. On trouve en début et, en fin, des thèmes qui auraient pu s'avérer passionnants : mal-être, dépression, anorexie, boulimie, alcool, drogue. viols, suicide, familles éclatées, violences fugues, incestes, morts de proches. Mais aussi l'école, la politique, le racisme ou la violence.

Le "doc" n'arrive vraiment pas à sortir des sentiers battus, s'enfonçant souvent dans des banalités.

Ce qui est particulièrement frappant, ce sont ces lettres d'auditeurs et d’auditrices reproduites, tout au long de l'ouvrage, souvent poignantes et émouvantes et auxquelles il n'est pas vraiment fait réponse sauf sous la forme d'un discours didactique et froid.

Puis, intervient en plein milieu de l'ouvrage, 150 pages d'un traité d'éducation sexuelle très classique et très... scolaire. C'est en fait, toute la difficulté de l'exercice qui consiste à passer d'un dialogue vivant et spontané sur les ondes à l'écriture d'un ouvrage de synthèse...

Après tout, le ton malgré tout ouvert et tolérant, ainsi que les informations Scientifiques et utiles qui émaillent l'ouvrage mérita aient un large accueil. Reste à savoir si le seul nom du "Doc" (bien en évidence sur le bandeau) suffira à convaincre le public jeune à aller au-delà des 100 premières pages.

Peut-être qu'en l'ouvrant selon son humeur, et en fonction de l'intérêt du moment à  telle ou telle page...

Quant à moi, je préfère fermer le bouquin et rallumer ma radio.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°271  ■ 01/09/1994