Ce que je ne peux pas vous dire : 26 collégiens parlent

Oh éditions / France Inter, 2003, 335 p.

L’école est, depuis quelques décennies déjà, un sujet récurrent de débat et de polémiques chez les adultes. Chacun  a son point de vue sur ce qui va mal dans cette vénérable institution. On a juste oublié une chose : demander leur avis aux principaux concernés, les collégiens qui, pourtant, en sont les principaux bénéficiaires. Voilà un livre qui corrige cette injustice en donnant la parole à 26 collégiens de la 6ème à la 3ème.  Le résultat est très instructif. Il devrait entrer dans la liste des ouvrages à lire obligatoirement au cours de l’année scolaire... des adultes ! Cette lecture confirme d’abord qu’il ne faut pas parler de la jeunesse mais des jeunesses. On y trouve en effet une véritable diversité de situations, depuis l’élève racketté et terrorisé sans que la communauté adulte de l’établissement semble pouvoir sortir de son impuissance jusqu’à ces élèves sous la coupe de  l’arbitraire d’enseignants présentés comme tout-puissants. C’est vrai que les profs en prennent un peu pour leur grade : « mon prof de techno, il boit pendant les cours » dénonce Lucas. « Il faudrait que les profs nous parlent assez gentiment. On n’est pas leur chien » renchérit Diégo. « Ce qui me choquait, c’était leur vulgarité. Je suis moi-même assez vulgaire, mais venant d’un prof, c’est assez choquant : ‘’ Petits con, va te faire foutre, je t’emmerde. Gicle de ma salle ou je te nique !’’ » se scandalise Marine. Enfin,  « Y a des profs sympas, y en a des barbants, des originaux, des rigolos » reconnaît quand même Sarah. Et puis, il y a la racaille : « c’est quelqu’un qui terrorise les autres, qui les insulte, qui les fait taire, qui en frappe certains pour faire peur aux autres », explique Diégo. « En CM2, tout le monde se respectait. En 6ème c’était chacun pour sa peau » regrette Nicolas. Pourtant quand certains élèves sont différents ils peuvent aussi être acceptés : « Des fois, on sympathise avec certains trisomiques » (ce sont les élèves de SEGPA !) « parce qu’ils sont gentils (...) Il y en a un qui  a vraiment progressé, parce qu’au début de l’année on ne comprenait rien et maintenant je peux parler avec lui. Et je mange même des fois avec lui » confie Lucas. « Le collège c’est comme ça. Les toilettes, c’est dégueulasse, mais j’y vais rarement. La cantine, c’est dégueulasse, mais j’y vais quand même à midi » nous explique Antoine le philosophe. « J’ai l’impression d’être le vilain petit canard dans le collège. Mettre des gros intellos avec des bordéliques, pour l’administration c’est bien, mais pour nous, c’est nul » reproche Dylan. « Un beau collège, c’est où il n’y a pas de violence, pas de racket, pas de racisme... » rêve Rachid. « Ce livre, il faut qu’il soit lu par des collégiens et par les parents. Peut-être que ça leur ferait prendre conscience de la vie au collège, du manque de respect, de l’alcool, de la drogue. Parce qu’on ne raconte rien à ses parents » conclut Sarah.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°677  ■ 11/09/2003