Qu’est-ce que l’adolescence ?
BEDIN Véronique & all, Sciences Humaines, 2009, 255 p.
On retrouve dans cette publication de la revue Sciences Humaines le même souci que dans le mensuel : celui de proposer un tour d’horizon synthétique offrant au lecteur un large état des lieux qui, sans se vouloir exhaustif, n’en reste pas moins très diversifié. La réflexion débute ici avec un constat récurrent : trop souvent, on stigmatise l’adolescence, en y voyant le temps de tous les dangers et de tous les risques, et plus particulièrement celui des crises et des désordres. Pourtant, sous cette réputation qui inquiète autant qu’elle fascine, émerge une quête essentielle de la jeunesse : réussir à grandir, finir avec l’enfant qu’on a été et, dans une période de découverte de soi, disposer de repères, de représentations de sa personnalité future et de modèles auxquels ressembler. Si ces adolescents recherchent souvent des bénéfices rapides, c’est parce qu’ils doutent beaucoup d’eux-mêmes. S’ils prennent facilement des risques, c’est parce qu’ils veulent répondre au défi qui leur est lancé d’inventer leur vie. S’il leur arrive parfois d’être violents, c’est qu’ils ressentent le besoin de rendre l’autre faible, inconfortable et impuissant pour se sentir eux-mêmes forts confortables et puissants. Mais, ce qu’ils recherchent, avant tout, ce sont des figures adultes qui soient consistantes et fiables. Et c’est cette rencontre qui pose souvent problème. Car, la réaction qu’ils obtiennent des adultes dépend étroitement de la façon dont ceux-ci ont eux-mêmes vécu cette expérience. L’ouvrage nous permet d’explorer de nombreux espaces fréquentés par les adolescents. La littérature d’abord, qui met en scène des personnages constituant autant de figures identificatoires que repoussoirs. Les libres antennes ensuite qui, mêlant l’exagération, la dérision et le sérieux, sont d’autant plus écoutées que les jeunes auditeurs manquent d’interlocuteurs de confiance autour d’eux. Mais aussi, le déplacement historique des loisirs, de la rue vers la chambre. Avec cet outil internet particulièrement investi et là aussi, trop souvent décrié : les adolescents qui se caractérisent par un taux d’ hyper connectivité (85 à 90% des 13-18 ans vont sur la toile quotidiennement, contre 50% des adultes) peuvent simultanément jouer, chatter, télécharger et se documenter. Une jeunesse plurielle au final qui se décline sur de nombreux registres et qu’il faut savoir écouter et comprendre, au lieu de la négliger et de la caricaturer.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°940 ■ 10/09/2009