La marche du temps - Ethnographie d’un parcours adolescent (Tome 3)
LE REST Pascal, Ed. L’Harmattan, 2011, 268 p.
Pascal Le Rest nous propose ici le troisième et dernier opus de mémoires d’adolescence qui pour n’être pas officiellement autobiographiques, constituent néanmoins un retour sur son itinéraire personnel. Mais, comme les deux premiers tomes, loin de proposer une chronologie autocentrée venant flatter un ego surdimensionné, son récit donne au contraire à voir des fonctionnements qui vont bien au-delà d’une simple destinée individuelle. Nous avions laissé Franck confronté aux affres d’une jeunesse marquée par le défi, la transgression et la révolte contre les adultes, le lycée et la société. On attendait avec curiosité le déclic qui allait le mener vers le doctorat en ethnologie. Curieusement, c’est une histoire de fille qui va le provoquer. Le chef de la bande d’ados avec laquelle il traîne, lui pose un ultimatum : qu’il convainque sa sœur de cesser de sortir avec son copain, (il a des vues sur elle) ou bien être exclu du groupe. Refusant un tel chantage, Franck est tout de suite ostracisé. Face à cette mise à l’écart, il ne trouve comme seul refuge, que la plongée dans les études. Il s’y consacre à temps plein, pour fuir son isolement et sa déception, réussissant à remonter ses notes et à passer avec succès son BAC. C’est cette année de terminale qui nous est décrite ici, avec toujours la même truculence et un sens de l’humour tout aussi percutant. Des relations avec les profs qui s’améliorent, des liens avec son groupe de pairs qui changent du fait de son nouveau statut, un engagement scolaire qu’aucune distraction ne doit venir perturber : la mutation à l’œuvre se déploie sous nos yeux, démontrant la plasticité d’une classe d’âge, si pleine de ressources qu’elle peut se montrer successivement capable du pire comme du meilleur. Et puis, cerise sur le gâteau, il y a ces épreuves d’un examen qui sont autant d’anecdotes cocasses et de moments d’anthologie. Une fois le BAC en poche, il nous conte ses vacances d’été passées avec la famille de sa petite copine. En route vers de nouvelles aventures toutes aussi épiques avec un beau-père colonel qui se méfie des gauchistes aux cheveux longs et qui exige de rencontrer les parents avant d’accepter que sa fille ne parte en camping avec un garçon. Ambiance… Décidément l’adolescence de Franck est un vrai roman qui se lit avec plaisir, sans que l’on puisse s’empêcher d’être pris d’une certaine nostalgie (pour la génération ayant le même âge que Pascal Le Rest) ou d’une inévitable tentation à établir un parallèle (pour les lecteurs plus jeunes). Avec une question récurrente pour les uns, comme pour les autres : finalement, malgré les discours répétitifs sur cette jeunesse qui aurait radicalement changé, quoi de nouveau sous le soleil, pour les ados depuis 40 ans ?
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1048 ■ 02/02/2012