Adolescents de cité. L’épreuve de la mobilité

OPPENCHAÏM Nicolas, Éd. Presse Universitaire de François Rabelais, 2016, 271 p.

Les adolescents résidant en banlieue ont la réputation de quitter rarement leur quartier, comme si l’enveloppe protectrice du ghetto leur assurait une sécurité face à la stigmatisation trop souvent subie. L’étude menée par Nicolas Oppenchaïm apporte un éclairage distancié face à cette idée reçue. Il distingue quatre « idéal-types » de mobilité sociale tant chez les filles que chez les garçons. Les postures masculines peuvent d’abord prendre la forme de ces « ados de quartier » qui se déplacent en groupe, s’approprient des rames de train, leurs attitudes agressives provoquant un sentiment d’indignité. A l’inverse, les « flâneurs » cherchent l’anonymat, en se fondant dans la foule urbaine. Quant aux « associatifs » et aux « passionnés », ils investissent une activité culturelle, sportive ou musicale. Mais les premiers mobilisent les ressources locales (club de jeune ou de foot, maison de quartier), alors que les seconds privilégient celles proposées à l’extérieur, prenant leur lieu de résidence comme un dortoir. Pour ce qui est de la mobilité sociale féminine, elle se répartit entre les « filles de bonne famille » aux stations peu prolongées dans l’espace public ; les « guerrières » qui s’inspirent des codes masculins, allant chercher des expériences amoureuses loin de leur quartier ; les « flâneuses exclusives » qui, fuyant systématiquement leurs pairs, partagent leur temps entre le domicile familial et l’extérieur ; les « encadrées » qui réfugiées chez elles par insécurité restent invisibles, ne se déplaçant que de façon fonctionnelle. Cette typologie genrée ouvre sur une réalité bien plus complexe que celle de ces filles enfermées soumises au contrôle social du quartier qui, pour exister, ne décrit que partiellement ce qui se joue.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1280 ■ 29/09/2020