Revenir vivre en famille. Devenir adulte autrement
GAVIRIA Sandra, Éd. Le bord de l’eau, 2020, 247 p.
Le modèle de transition vers l’âge adulte, qui a longtemps prévalu en France, impliquait la décohabitation et la prise de distance d’avec ses parents. Une autre modalité de parcours se fait jour depuis quelques années : l’expérimentation des retours dans le giron familial, après un premier départ, replaçant ainsi la famille au cœur du processus d’autonomisation du jeune adulte. Ce phénomène, qui se répand dans bien d’autres pays, trouve son origine dans la précarité des conditions d’existence au premier rang desquelles l’emploi incertain et les faibles niveaux de rémunération qui frappent en premier les plus jeunes. Le poids de ces facteurs est encore aggravé par les prix élevés du marché immobilier. Il y a d’abord les étudiants qui réintègrent le domicile familial, à l’issue de leurs études, dans l’attente d’un premier emploi. D’autres jeunes reviennent chez leurs parents, pour faire des économies en vue d’un projet. D’autres encore viennent se réfugier, après une rupture sentimentale ou un échec professionnel, voire en réaction à une situation de violence conjugale. Et puis il y a le constat du manque de préparation ou de maturité face à la gestion financière, à la solitude ou au manque affectif trop lourds à supporter. Selon que le choix du retour est contraint ou choisi, il sera perçu différemment : avec un sentiment de rupture ou de nouveau départ, de régression ou de continuité, d’épreuve nécessitant une reconstruction ou de sécurisation du parcours, de culpabilisation ou de légitime solidarité intergénérationnelle, d’échec ou de ressourcement, de refuge ou de tremplin. Certains jeunes considèrent que même si leurs parents n’en ont peut-être pas envie, ils n’ont pas le choix. Pour autant, la recohabitation ne va pas de soi : plus pesante quand l’ambiance était conflictuelle avant le premier départ et plus facile quand elle était harmonieuse. Ce qui peut poser problème, c’est le rétablissement des contraintes et des contrôles, proches de ceux subis dans l’enfance et l’adolescence, surtout quand ces postures sont le corolaire imposé du soutien affectif et économique. Plus ce retour apparaît transitoire, moins il pose problème. A l’inverse, toute prolongation peut être source de tension. Dans la société d'aujourd'hui, l’enjeu est de taille : si les familles ne réapprennent pas à vivre avec le retour de leurs enfants, c’est la rue qui les attend.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1335 ■ 13/03/2023