Ces enfants dont personne ne veut

Pierre VERDIER et Marieke AUCANTE, Dunod, 1997, 162 p

 
En 1995, 2.262 enfants susceptibles d’être adoptés ne pouvaient l’être. Parmi les raisons expliquant cet état de chose, on trouve la bonne insertion dans la famille d’accueil (18%), le maintien des liens familiaux (7%), mais aussi l’âge (12%) mais surtout des raisons de santé (38%). Après tout, n’est-ce pas de la folie que de vouloir adopter un enfant atteint d’un handicap ou d’une maladie qui sans forcément les destiner à une mort proche (comme on peut le craindre pour ceux d’entre eux qui sont infectés par le virus du SIDA) condamne parfois les adoptants à vivre avec la maladie et la déficience sans parfois aucune perspective d’amélioration ? Et pourtant, les êtres qui se trouvent dans cette situation ont aussi droit à l’amour et à l’affection. Le livre de Pierre Verdier et Marieke Aucante constitue à la fois un guide et un messager d’espoir qui montrent qu’aucun enfant n’est condamné a priori. Les auteurs font une large place aux témoignages des familles qui acceptent d’accueillir ces enfants pas tout à fait comme les autres. Ils présentent aussi largement les œuvres et les associations qui se chargent de leur trouver un lieu pour grandir. C’est que la tâche est bien lourde. La différence engendre le différend. L’impossibilité de s’identifier physiquement à une personne déformée ou atteinte d’un handicap ne permet pas de se retrouver dans le miroir de l’autre. Tout au contraire, son apparence intolérable met en question un instant sa propre identité en rappelant la fragilité de la condition humaine. Cela est d’autant plus difficile à vivre que la société voue un culte au corps jeune, performant, séduisant et tout-puissant. Aussi, les bons sentiments ne suffisent-ils pas. Un minimum de précautions est à prendre afin de trouver le juste équilibre entre les deux extrêmes que sont le rejet de l’adoption pour tout enfant à problème et  la croyance en une adoption miracle. Il faut d’abord choisir des couples équilibrés, pas trop anxieux qui ne cherchent pas trop de réparations ou de besoins personnels à satisfaire. En fait, c’est bien l’enfant qui préexiste : il faut chercher “une famille pour cet enfant” et non “un enfant pour ce couple”. Deuxième condition essentielle : préparer le couple  en  lui donnant une information complète et vraie sur la situation réelle de l’enfant et amener ce dernier à investir une nouvelle fois, à se risquer dans une nouvelle aventure. Enfin, l’aide et l’accompagnement ultérieurs sont indispensables aussi longtemps que les familles le demandent. A ce prix, tout enfant sans famille est adoptable.
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°433 ■ 12/03/1998