Éducation positive : une question d’équilibre ?
CHETRIT Marie, Éd. Solar, 2023, 271 p.
Dans la jungle de l’éducation, que personne n’a été préparé à traverser, il serait rassurant d’avoir un manuel de recettes applicables à la lettre. Mais il n’existe pas, pas plus en éducation positive que traditionnelle !
Avec le développement des neurosciences, le regard sur l’enfant et son développement a totalement changé. Les théories éducatives ont évolué en conséquence. La parentalité positive en est le produit direct. Elle fait rêver : qui ne souhaite pas vivre sans heurts, ni cris, ni punitions, avec ses enfants ? Sauf que, dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas si bien que cela ! C’est la démonstration que nous fait Marie Chetrit.
Pour que cela marche, il faudrait des parents toujours zen et calmes. Ils devraient encaisser avec patience les émotions et les colères de leur enfant, gérer son agressivité avec la même patience. Surtout, il leur faudrait recueillir en permanence son consentement.
Bien sûr qu’il faut combattre les violences exercées depuis si longtemps. La pratique des châtiments corporels est intolérable, tout comme l’humiliation comme procédé éducatif. Mais, on peut punir sans rabaisser. On peut renvoyer dans sa chambre sans traumatiser. On peut fixer des limites sans blesser. On peut faire preuve d’autorité, sans tomber dans l’autoritarisme. On peut socialiser sans soumettre.
C’est cette nuance que cultive l’auteure. Ce qu’elle revendique ? Trouver une position intermédiaire entre la volonté d’imposer sa volonté à l’enfant dans un rapport de domination et lui laisser toute latitude de choix, dans un laxisme aux effets ravageurs. Il est nécessaire de rétablir une gradation quant à la gravité potentielle des réactions parentales.
L’enfant n’a pas besoin de parents parfaits, infaillibles. Ni qu’ils soient perpétuellement stressés à l’idée de mal faire. Ni qu’ils hésitent à lui imposer quoi que ce soit. Pas plus, d’ailleurs qu’ils deviennent spectateurs de son quotidien, le laissant décider de ce qu’il mange et comment s’habiller, quand il dort et quand il va se laver.
Il a besoin de parents prenant soin de sa santé physique et psychique, morale et émotionnelle. Il a besoin qu’ils l’aident à se positionner et à trouver sa place dans la société. Il a besoin qu’ils le confrontent à la frustration de certains de ses désirs. Mais aussi qu’ils le guident dans son cheminement.
L’ère des réseaux et de leurs influenceurs(ses) culpabilisent les parents. Elle prétend les faire entrer dans le droit chemin d’une vérité qui n’accepte aucune contradiction. Leur marge de manœuvre en devient de plus en plus étroite. Au point de les voir se questionner sur le moindre geste de la vie quotidienne, tentant d’y débusquer la trace d’une quelconque violence.
La science est parfois instrumentalisée. Non, tout pleur ou toute contrariété ne provoque pas une augmentation du taux de cortisol, hormone qui s’attaquerait aux neurones. Le cortisol est utile quand il régule le métabolisme, équilibre la pression artérielle et stimule la capacité d’éveil. Ce n’est pas un stress aigu ponctuel qui s’avère neurotoxique, mais le stress chronique conséquence d’une maltraitance continue.
Dans la contrainte d’avoir à toujours bien faire se profile une nouvelle servitude. Celle d’une mère qui, sur le chemin de l’émancipation de la domination masculine, devient l’otage de son bébé. Elle ne peut ni le laisser pleurer, ni le laisser seul, au risque d’altérer le cerveau de son enfant à vie !
L’illusion est complète à croire que l’enfant pourrait s’autoréguler. Son immaturité ne lui permet pas physiologiquement d’y parvenir. Si son autonomisation constitue bien l’objectif final de toute éducation, il va falloir du temps pour qu’il l’atteigne.
Après des siècles de dressage, la balance penche vers une éducation basée sur la seule affection. En oubliant que les règles, les limites et les contraintes préparent à la vie en société qui exige de cohabiter à côté des autres et de renoncer parfois à ses envies.
Elever des enfants, c’est se confronter au doute, à l’humilité et au lâcher-prise. C’est apprendre à tâtonner, à se tromper et à s’adapter. C’est se réconcilier avec le fait qu’on ne sait pas toujours. Et accepter qu’il y existe autant de manières d’être parent que d’être enfant.