Les liens familiaux à l’épreuve du pénal

Sous la direction d’Alain BOUREGBA, érès, 2001, 142 p.

Grandir c’est apprendre à surmonter les expériences de séparation. Un enfant peut vivre sans trop de souffrance cette épreuve à condition de lui en parler, de lui expliquer ce qui lui arrive et pourquoi. Evoquer les personnes absentes contribue à le rassurer sur le fait qu’elles sont encore vivantes et surtout permet de le dégager de sa responsabilité ou de son éventuelle culpabilité (non la distance mise n’est pas à cause de lui). Mais, certaines ruptures non médiatisées, ni suffisamment accompagnées peuvent compromettre ses capacités à ériger une identification stable et continue du monde et de soi, entravant ainsi son développement et sa maturation psycho-affective. La rupture de la permanence parentale va induire des représentations d’objets endommagées ou agressives. On sait déjà qu’un million et demi d’enfants n’ont plus en France de contacts avec leur père, du fait de la mésentente entre parents séparés. Le problème se pose avec encore plus d’acuité dans les situations d’incarcération. Dans beaucoup de pays, les femmes qui accouchent en prison peuvent garder auprès d’elles un certain temps leur bébé. Mais le nombre de structures d’accueil adaptées manquent cruellement. Dans la plupart des cas, les lieux de détention sont bien trop éloignés de la résidence familiale contraignant à de longs et coûteux déplacements qui peuvent constituer autant de freins aux visites. Et puis il y a le mode de fonctionnement du milieu carcéral : la déshumanisation et la déresponsabilisation induites sont autant d’obstacles à l’émergence de la fonction parentale : « on ne peut transmettre ce dont on ne se sent pas responsable » (p.82). L’obligation de préserver la continuité des liens familiaux relève donc d’une double exigence de santé publique et de cohésion sociale.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°639 ■ 24/10/2002