La parentalité: une affaire d’Etat

Michel BUGHIN, Colette LAMARCHE, Pascale LEFRANC, L’Harmattan, 2003, 224 p

La parentalité est devenue, depuis quelques années, le concept à la mode. La démarche qui consiste à désigner la fonction du parent, en prenant en compte les responsabilités juridiques, morales et éducatives qui y sont rattachées, est positive dès lors qu’elle éloigne les jugements moraux et stigmatisant. Elle l’est sans doute moins, quand elle place les parents de plus en plus dans une certaine dépendance à l’égard des experts de l’enfance.  Ce rôle n’est ni vécu, ni assumé de manière identique et ne s’exerce jamais de la même façon selon les familles. En outre, les fonctions de socialisation, d’éducation et de protection sont étroitement liées aux moyens culturels, affectifs et matériels que la famille peut mobiliser. On mesure donc la complexité d’un comportement qui n’est jamais un donné mais toujours un construit. Ce dont François Dolto parlait fort bien en affirmant qu’ « on ne naît pas parents, mais qu’on le devient. » Considérée comme salvatrice ou indigne, la structure familiale ne mérite sans doute pas d’être érigée ni en valeur refuge, ni en bouc émissaire. Face notamment à une culpabilisation qui a constitué à travers les époques un registre récurent, il est essentiel de prendre de la distance avec les discours catégoriques et d’entériner la multiplicité des réalités que recouvre cette notion. C’est justement ce que nous permet de faire le travail réalisé ici. Les auteurs ont mené pendant deux ans une large enquête auprès d’une population de 2.000 personnes de la région de Lille, constituée de parents, de jeunes et de professionnels (travailleurs sociaux, justice, police, & école). Il s’agissait de connaître les représentations que les acteurs eux-mêmes pouvaient avoir de la parentalité. Du côté des parents, l’acuité de leurs préoccupations éducatives et les fortes attentes sociales qu’ils expriment à l’égard de leurs enfants nous éloignent de l’insouciance, du laxisme ou de la démission qu’on se complait parfois à leur attribuer. Les enfants, quant à eux, attendent de leurs parents aide, soutien, compréhension, amour et se voient eux-mêmes comme futurs parents attentifs, gentils mais pas dépourvus d’autorité. Chacun de son côté, considère devoir connaître tout de l’autre mais dénie à ce dernier le droit de tout savoir sur lui. L’un et l’autre, par contre, plébiscitent la réussite scolaire et sociale, mais les parents ne trouvent pas les enseignants assez exigeants, là où les enfants les trouvent trop. Quant au champ professionnel, il est traversé d’opinions multiples, voire divergentes, les parents pouvant être perçus tantôt comme démissionnaires, tantôt comme en difficulté, inquiets et disqualifiés. L’intérêt premier de ce type d’étude est de replacer la réalité dans de plus justes proportions et de prendre le contre-pied de discours dépréciateurs sur les jeunes et leurs parents.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°695 ■ 05/02/2004