Le sens de la maternité. Cycle du don et genèse du lien

Jean-Marie DELASSUS, Dunod, 2002, 322 p.

De tous temps, la maternité a été conçue comme un phénomène avant tout physiologique. Les seules répercussions psychiques admises ont toujours fait appel à des impératifs moraux : la mère se devait d’être nécessairement sensible, attentionnée, compétente et dévouée. Quand elle allait mal, elle devait le taire et ravaler sa souffrance dans une honte cachée et silencieuse. Psychose puerpérale et autres dépressions étaient renvoyés à la « folie des accouchées ». La maternité s’est longtemps résumée aux seules notions d’instinct, de programmation génétique ou de compétences sociales. Jean-Marie Delassus nous propose ici un ouvrage qui conteste cette perception.  Son écrit n’est pas toujours facile, mais il est d’une grande richesse pour comprendre la clinique de la maternologie. Son raisonnement est implacable. On estime à 75.000, le nombre d’enfants soumis à une naissance problématique. Seuls 5.000 d’entre eux sont identifiés comme victimes de maltraitance. Or, la maltraitance est précédée par la malnaissance, l’une et l’autre pouvant faire l’objet d’une prévention efficace par l’aide apportée à la maternité en difficulté. « Il ne s’agit pas de stigmatiser les mères, mais de reconnaître et de partager que la maternité puisse être aléatoire. » (p.190) Le petit d’homme est à la naissance un véritable paradoxe : alors que chez les autres animaux, la mise en fonction de la motricité précède la sensorialité, il présente une situation exactement inverse. Ce qui fait de lui un infirme : il a les compétences pour voir, entendre et sentir, mais aucune pour agir. Cette situation le place dans une demande de totalité que seule la mère est en capacité de lui apporter. Elle seule peut lui fournir tout ce qui est nécessaire à sa survie, et ce à fond perdu, sans recherche d’aucune réciprocité. Mais, pour donner cette totalité, encore faut-il disposer d’une image suffisamment bonne de soi et d’une identité positive. Quand ces conditions ne sont pas réunies, il peut y avoir trouble de la transmission. Quand cela arrive, on ne sait que culpabiliser ces mères au lieu de les aider. Au lieu de les renvoyer vers la folie, mieux vaudrait faciliter le développement du transfert maternel vers son enfant en retravaillant l’émotion initiale. On ne peut agir sur ce transfert mais uniquement sur les conditions de son émergence. Cela est possible des premières heures après l’accouchement jusqu’aux environ des 9 mois de l’enfant, ce qui correspond à la période de plasticité cérébrale du bébé et de disponibilité de la mère. Mais une telle démarche implique au préalable de reconnaître le droit des mères à la crise maternelle et aux soins et d’arrêter d’opposer ses intérêts à ceux de l’enfant. Jean-Marie Delassus présente une nosographie précise et détaillée de ce qu’il appelle des transféroses (difficultés rencontrées dans le transfert) et des méthodes utilisées pour venir en aide aux mères en difficulté.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°664  ■ 01/05/2003