Mon métier de père. Pourquoi est-il si compliqué d’élever ses enfants?
VERDIANI Gilles, Ed. JC Lattès, 2012, 179 p.
Quand ils décident d’avoir un enfant, Gilles Verdiani et sa femme se considèrent comme des parents largement informés et instruits. Ferrus de lectures parmi les plus recommandées sur l’éducation, il se sentent préparés face aux enjeux de la parentalité. Ils vont pourtant connaître les mêmes déconvenues que bien d’autres familles. Le récit que l’auteur nous en fait est à la fois plein d’humour et de réalisme. Il n’hésite pas, au risque de soulever un soupçon d’incompétence, de reconnaître les difficultés rencontrées : « une femme qui ne vous aime pas, on peut s’en détourner. Une réussite qui vous fuit, on peut changer d’orientation. Mais des enfants qui ont décidé de vous pourrir la vie, ça ressemble à vingt ans de bagne incompressibles » (p.13). Ce n’est pas tant les premières années de son fils Angello qui vont poser problème, que la phase d’opposition dans laquelle il entre, à trois ans, provoquant chez son père des colères irrépressibles et la tristesse de constater combien un enfant jusque là si affectueux et câlin pouvait se transformer en un si odieux personnage. Les doctes conseils des spécialistes apparaissent alors, comme une feuille de route bourrée de lacunes, d’absurdités et de contradictions. Le couple tâtonnera, avant d’établir ses propres règles, écoutant, observant et accordant aux grands comme aux petits le droit à l’erreur. Ils renonceront à la doxa qui recommande de coucher et de laisser pleurer le bébé, sous peine de le condamner à des problèmes de sommeil, toute sa vie. L’enfant atterrira dans leur lit régulièrement. Ils abandonneront la fermeté indéfectible tant recommandée. Céder, de temps à autres, apporte une trêve et une détente dans les relations familiales, sans que cela n’entraîne automatiquement et forcément chez l’enfant des abus ultérieurs. Accepter les exigences de l’enfant, à l’issue d’une journée de confrontations, n’est pas tant le signe d’un laxisme coupable que de l’épuisement d’un père à bout de force et d’arguments. Ils cesseront de croire à la malédiction professée par les psychanalystes voulant qu’un aîné haïsse toujours son puîné, avec qui il doit partager des parents qu’il avait jusque là pour lui tout seul. Angello n’a jamais manifesté que des gestes de tendresse à l’égard de son petit frère. Ils ne chercheront pas à s’identifier aux fonctions paternelle et maternelle, adoptant de fait des rôles strictement identiques au quotidien. Tous les bébés ne sont pas pareil. Tous les enfants n’ont pas les mêmes besoins de limites et n’ont pas le même rapport à l’interdit, affirme Gilles Verdiani qui revendique l’individualisation de modalités éducatives dont la seule constante doit être dans la compréhension, l’indulgence et la bienveillance qu’on leur doit.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1082 ■ 15/11/2012