Renaître orphelin. D’une réalité méconnue à une reconnaissance sociale
VALET V. Florence, Chronique sociale, 2010
Voilà un ouvrage d’autant plus utile à lire que le thème qu’il traite est particulièrement délaissé. Pendant longtemps, l’existence des orphelins fut marquée par la tragédie et la surmortalité. La littérature populaire fourmille de ces récits d’enfants abandonnés, endeuillés, voués à la débrouillardise et à une survie précaire. Un enfant sur deux perdait un parent, avant d’atteindre ses vingt ans. Et puis, les progrès de la médecine permettant de réduire massivement la mortalité, le nombre des orphelins a été divisé par quinze, en l’espace d’un siècle. Si l’on ne peut que se réjouir de cette résorption, l’effet pervers qui en a résulté c’est l’effacement du paysage d’un fait social qui, pour s’être beaucoup réduit, n’en a pas pour autant disparu. Et c’est tout l’intérêt du travail de Florence F. Valet que de donner un coup de projecteur sur la destinée contemporaine de l’identité orpheline. La première réalité qu’elle essaie d’établir concerne la situation numérique des orphelins dans notre pays. Aucune étude directe n’existant plus depuis 1947, c’est à travers des recherches parallèles qu’elle évalue à 500.000 le nombre de personnes de moins de 21 ans ayant perdu l’un ou l’autre de ses parents (soit 3% de cette classe d’âge). L’auteur établit ensuite la forte corrélation entre la disparition du parent et les inégalités sociales : deux orphelins sur trois sont issus des classes sociales les plus défavorisées. Autre déséquilibre, la mort du père trois fois plus fréquente que le décès de la mère. Certaines professions apparaissent, en outre, surreprésentées, tels les policiers ou les pompiers. Après avoir dressé cet état des lieux, Florence F. Valet s’intéresse à l’ampleur du drame affectif et psychologique vécu par l’enfant. « Comme tout épisode violent assombrissant un être en plein développement physique et mental, des probabilité existent de diverses complications possibles » explique-t-elle (p.126). Mais se refusant à y voir systématiquement un risque pour l’avenir ou au contraire à considérer que cette perte irrémédiable dans l’enfance ne peut que provoquer une réactivité créatrice d’un enfant blessé par la vie qui voudra prendre sa revanche, elle cherche surtout à identifier les lignes de fragilité. Elle consacre de longues pages à la représentation de la mort selon l’âge de l’enfant, à la situation du parent survivant devant faire face à la fois à la disparition de son conjoint et à la nécessaire présence auprès de son enfant ou encore à l’association de ce dernier aux cérémonies funéraires. Si la mort d’un proche provoque une commotion cérébrale, l’enfant est confronté à un double deuil : la perte de l’un de ses parents et l’effondrement de l’autre, rappelle-t-elle, démontrant la pertinence de sa réflexion réussie sur cet thème.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1086 ■ 13/12/2012