L’art de persuader

M. Piatelli Palmarini, Odile Jacob, 1999, 306 p.

Persuader son interlocuteur, ce n’est pas l’amener à faire quelque chose contre sa volonté. C’est provoquer chez lui un changement au travers d’un transfert de croyances et d’opinion. Pour comprendre les mécanismes de cette faculté, il est nécessaire de plonger jusqu’aux racines de la psyché. C’est ce que nous propose l’auteur en explorant les ressorts essentiels de la logique et du langage. Des exemples historiques spectaculaires montrent comment des peuples entiers ont été subjugués par des régimes politiques qui ne tenaient pas que par la répression (même si celle-ci pouvait être féroce à l’exemple du régime maoïste), et même des prêts à sacrifier leur vie, leur honneur et leur dignité à une cause (à l’image de ces procès staliniens où les victimes totalement innocentes de ce qu’on les accusait, n’en acceptèrent pas moins le scénario machiavélique qu’on leur imposait). Il apparaît qu’en fait, le basculement d’opinion va s’opérer à partir des convictions ou des hésitations déjà présentes chez le sujet. Autrement dit, l’art de la persuasion ne s’exerce pas sur un terrain vierge, mais empreinte des sillons déjà tracés. Différentes méthodes de manipulation sont bien connues des négociateurs : se placer en situation la plus favorable possible, multiplier les choix les moins intéressants placé en face de celui qu’on veut faire adopter, grouper les inconvénients et énumérer les avantages, etc … L’auteur détermine 7 cordes de persuasion, parmi lesquelles l’utilisation de prémisses absolument incontestables permettant d’attester des affirmations qui suivent (sans que rien ne les démontrent pour autant). Mais aussi, élargir les prémisses d’une façon suffisamment importante pour que la généralisation puisse s’imposer. Ou encore la présentation d’une solide chaîne de cause et d’effets, accréditant la suite de la démonstration. Sans oublier, l’utilisation l’induction par analogie : les caractéristiques d’un objet sont étendues à un autre par effet de ressemblance. Non exhaustives, ces illustrations  s’appuient sur l’universalité du fonctionnement mental de l’être humain qui suit un itinéraire logique partant d’éléments de base pour aboutir à des conclusions logiques. L’auteur s’intéresse tout particulièrement à des démonstrations syllogiques parfois un peu compliquées à suivre tel ce raisonnement logico-mathématique fait par Gödel pour justifier de l’existence de Dieu !

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°527  ■ 13/04/2000