Sortir de la violence par le conflit. Une thérapie sociale pour apprendre à vivre ensemble
ROJZMAN Charles, éditions La découverte, 2008, 179 p.
Le constat dressé ici est plutôt pessimiste. Selon l’auteur, notre société ne possède plus de projet commun permettant de faire vivre ensemble les différentes parties qui la constituent. Les communautés, qui vivent repliées sur elles-mêmes, ne se rencontrent plus. L’ignorance, les peurs et les haines réciproques sont devenues les obstacles principaux à une cohabitation et à une coopération permettant un fonctionnement harmonieux et équilibré. Trois maladies sociales dominent : la dépression, la sociopathie et la paranoïa qui se combinent dans la crise à la fois du travail, du lien social, de l’autorité et du sens. Toutes ces difficultés ne se limitent pas aux seuls endroits où règne la violence comme les quartiers défavorisés. Ce sont là les symptômes du malaise de l’ensemble de la société. Mais, Charles Rojzman n’est pas de ceux qui se réfugient dans la plainte stérile. Depuis les années 1990, il agit comme thérapeute social, tant en France qu’à l’étranger. Il nous expose dans ce livre la méthodologie qu’il pratique. Contrairement à l’idée reçue, il s’oppose à l’idéal qui voudrait qu’on mette tout en œuvre pour fuir ou canaliser le conflit. Tout au contraire, il préconise de lui permettre de s’exprimer. Car, si chacun possède en soi une forte capacité à la bienveillance, les passions et les convictions idéologiques ne peuvent qu’inciter à entrer en rivalité. Il y a là une ambivalence fondamentale de notre espèce : à la fois une grande capacité à la coopération et un potentiel important d’associabilité. C’est pourquoi, loin d’étouffer ces antagonismes, il faut leur proposer un espace de régulation aboutissant à une écoute et une parole authentiques : « il faut mettre en place des conflits, pour entrer véritablement en dialogue » (p.118). Bien entendu, cela ne signifie pas laisser les protagonistes dans un face à face agressif et destructeur. Le premier préalable consiste à créer une dynamique de confiance minimale. Cela nécessite d’apprendre à se connaître réciproquement et à accepter sa commune humanité. Mais, il est tout aussi essentiel de permettre que s’expriment ouvertement les peurs d’être jugé, méprisé ou rejeté, tout autant que soit reconnus et identifiés les préjugés qu’on peut avoir sur l’autre. Troisième condition, inciter à quitter la posture de victime : reconnaître sa part de responsabilité dans toute difficulté, c’est accepter d’être faillible et de pouvoir commettre des erreurs, c’est identifier la part d’ombre et de démons intérieurs présents dans le cœur de tout être humain. Favoriser l’émergence de cette intelligence collective permet de s’ouvrir au regard des autres et de faire une large place à la capacité « de ne pas savoir, de chercher une issue avec les autres sans être sûr de trouver » (p.172).
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°943 ■ 01/10/2009