Manuel de manipulation. Pour obtenir (presque) tout ce que vous voulez

AZZOPARDI Gilles,  éditions First, 2008, 331 p. 

Cet ouvrage peut tout d’abord se lire comme un monument de cynisme : on y apprend comment être égoïste et bien mentir, tout en cultivant l’art de la manipulation tant de son chef, de ses collègues de travail que de ses partenaires affectifs. Son propos n’est pas seulement de dénoncer les manipulations dont nous pouvons toutes et tous être victimes, il incite ouvertement à les utiliser. On peut tout autant y voir un mode d’emploi à l’intention du citoyen lambda confronté à un monde qui, ayant perdu beaucoup de ses repères, est contraint de se méfier de tout le monde. Quand tout un chacun se sentait protégé par son appartenance à une communauté de référence, il pouvait vivre en sécurité. Dans la jungle qu’est devenu notre monde contemporain, il faut un manuel de survie. On peut y trouver encore les descriptions des ressorts du fonctionnent de l’espèce humaine dès qu’elle est confrontée à ses congénères. Les mécanismes démontés ici sont autant de réflexes primaires et ancestraux. Finalement, ce livre est un petit peu tout cela à la fois : il horripile, dérange, séduit et éclaire, en même temps. Ainsi, y trouve-t-on une intéressante description des méthodes possibles pour se réconcilier avec son prochain : ne pas s’accrocher à son idée, respecter le point de vue adverse, éviter de dramatiser le désaccord ou d’en faire un enjeu personnel, accorder à son interlocuteur le droit à l’erreur, rester toujours ouvert et sensible à la main qui vous est tendue… toutes choses qui permettent de ne pas transformer un simple différend en conflit ouvert et sans fin. Mais, on y présente aussi la recette pour cultiver une personnalité de dominant : paraître sympathique et avoir toujours l’air sincère, présenter toujours deux propositions en s’arrangeant pour valoriser celle qu’on veut faire adopter, donner le sentiment à l’autre que c’est lui qui décide … Les conseils présentés pour faire face aux caractériels sont tout à fait pertinents : éviter la contre-attaque, la soumission ou l’hypocrisie et tenter de comprendre les causes du comportement dont on est témoin,  reformuler, prendre acte des sentiments qu’il exprime, aborder son propre état émotionnel... Il en va de même pour les utiles recommandations proposées face au vaniteux, à l’égoïste, au psychorigide, à la brute, au salaud ou au paranoïaque. Mais, on y décrit les bonnes raisons de se faire des ennemis : la nécessité de se faire respecter, de canaliser son agressivité ou encore de faire parler de soi. Voilà une somme que n’aurait pas renié Machiavel. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous sommes tous, peu ou prou, victimes ou acteurs de ces pratiques. Les connaître permet ensuite de choisir, en connaissance de cause, de les subir / de les appliquer ou non.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°946 ■ 22/10/2009