Comment être psychanalyste d’enfants ?

BRUNSCHWIG Hélène, érès, 2008, 237 p.

S’il est bien une dérive, quand on utilise un filtre pour voir la réalité, c’est d’en arriver à les confondre l’un et l’autre. C’est justement ce qu’Hélène Brunschwig a réussi à éviter. Se refusant à s’enfermer dans quelque chapelle que ce soit, elle n’a pas hésité à s’inscrire dans le creuset de plusieurs courants (la psychanalyse, l’éthologie, la systémie) et à rejeter toute idéologie réductrice : « il faut se garder d’explications causales trop univoques et trop linéaires » (p.122) Elle se revendique de la théorie psychanalytique, utilisant certains de ses concepts centraux. Ainsi de ce contre-transfert ressenti par l’analyste, mettant en branle ses propres sentiments et qui le renseigne non seulement sur lui-même, mais aussi sur l’analysé : «  ce que vous fait éprouver votre patient, il doit aussi le faire éprouve et c’est l’occasion rêvée de comprendre pourquoi » (p.21) Mais elle reprend tout autant à son compte la conviction de la thérapie familiale qui s’intéresse non seulement à l’individu, mais aussi à son environnement, son réseau relationnel. Elle travaille donc avec les deux bouts de la chaîne : le système de la famille et le système de l’individu. Mais si elle cultive volontiers les références théoriques, Hélène Brunschwig affectionne tout particulièrement de se laisser porter par ses patients. Son approche thérapeutique est basée non sur la toute-puissance ou le savoir de l’intervenant mais sur les capacités de la personne. Chacun possède les ressources nécessaires pour apporter les solutions aux problèmes posés, affirme-t-elle. Il suffit d’une oreille attentive, de la mise en route d’une relation authentique pour que toute personne retrouve en soi des ressources qui avaient pu être oblitérées. Hélène Brunschwig se consacre depuis des années à la thérapie mère/enfant : c’est très tôt qu’il est important de faire face aux troubles précoces du développement de sa vie affective et de sa personnalité. En dessous de deux ans, elle travaille essentiellement avec à la mère. Mais, au-delà, elle s’adresse directement à l’enfant, qu’elle considère en capacité de connaître ce dont il a besoin, pour extirper son trouble : « chaque situation porte en elle sa solution, et c’est l’enfant qui la trouve » (p.73). Le thérapeute joue alors un rôle de catalyseur : il accompagne, il contient, il fait éclore, il offre un espace transitionnel où peuvent se passer à nouveau les échanges. Le dessin, le jeu, le « holding » (ou maternage) sont ses principaux supports. Elle privilégie la régression qui permettra de retraverser les stades mal vécus : réinvestissement de la bouche, des sphincters, de la main, du sexe, du corps en général. Si beaucoup de thérapeutes refusent d’avoir le moindre désir sur son patient, Hélène Brunschwig insiste sur le rôle positif de l’investissement narcissique de celui qui rêve d’un enfant s’en sortant grâce à son aide.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°887 ■ 05/06/2008