Dolto, si tu reviens, j’annule tout!

BEN SOUSSAN Patrick, érès, 2009, 188 p.

Il n’y a pas de date limite de consommation à ce que Françoise Dolto nous a légué, affirme d’emblée l’auteur. Parce que c’était périmé d’emblée ? Pas du tout. Parce que dans une époque marquée par la haine de la pensée libre et de ceux qui font réfléchir, la célèbre psychanalyste apparaît pour l’auteur, comme une sainte ou une sorcière qui frisait le génie. Certes, il reste sceptique sur les félicitations que Dolto adressa, en tant que maman, à sa fille Catherine quand, âgée de 5 ans, l’enfant avait écrit à la craie « merde » sur les murs de l’école maternelle : « tu sais écrire, c’est merveilleux » réagit-elle alors, en toute sincérité.  Patrick Ben Soussan se souvient de ses propres réactions de père, quand l’un des ses enfants fut surpris à taguer un abri bus et que l’autre oublia de fermer le congélateur. Ce ne fut pas pour les féliciter, pour leur créativité. Mais, cette contradiction est vite résolue par l’admiration qu’il voue à une mère qui « faisait comme elle disait » (p.74). Car, Françoise Dolto constitue l’une des références essentielles dans le combat mené contre les créationnistes, les comportementalistes et les néo-libéraux. L’auteur raconte leur offensive lors du lancement en 2004, par Georges Bush, d’un plan de santé mentale, conçu pour remercier le large soutien financier dont il avait bénéficié de la part des puissants trusts pharmaceutiques américains. Depuis, le diagnostic d’hyperactivité est passé d’un million d’enfants concernés en 1990 à cinq millions aujourd’hui, les ventes de psychostimulants bondissant dans le même temps de 387 millions de dollars à deux milliards. Quand ils attaquent aujourd’hui la parole et ses effets, on peut leur opposer que tout est langage, pas seulement les paroles ou les mots dits, mais aussi les mimiques, les gestes … qu’il faut savoir décoder. Quand ils ne savent qu’objectiver les faits et gestes de l’enfant, érigés en bonne ou mauvaise conduite, on peut leur répondre combien il est difficile de naître humaine et de le rester. Quand, face au moindre comportement dérangeant des enfants, on a recours au Prozac, à la Ritaline ou aux anxiolytiques, on peut se rappeler comment elle savait les rassurer, en leur rendant leur part de vérité et leur place dans la société.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■  n°941 ■ 17/09/2009