Les psychanalyses. Des mythologies du XXème siècle
GAUVRIT Nicolas & VAN RILLAER Jacques, Book-e-book, 2010, 70 p.
Quand Joseph Breuer invente le concept de psychanalyse, il le définit comme une thérapie psychologique consistant à décharger des émotions coincées, liées à des évènements oubliés. S’inscrivant dans la continuité de cette approche, Sigmund Freud cherche à découvrir ce qui pourrait être le sens inconscient des comportements, les significations refoulées des actes conscients. Sa théorie, il la dénomme tout d’abord « psychoanalyse », avant de rallier l’appellation de Breuer. Mais le freudisme, pour être sans conteste la forme la plus populaire et la plus vulgarisée de la psychanalyse, est très loin d’être la seule. C’est pourtant elle qui tend à s’imposer, en reniant toutes les autres. Ce petit opuscule va encore faire grincer les dents des analystes. Il suffit, pour s’en convaincre, de reproduire la féroce citation du psychologue anglais Hans Eysenck : « Freud, sans aucun doute, était un génie non de la science, mais de la propagande, non de la démonstration rigoureuse, mais de la persuasion, non de l’expérimentation, mais de l’art littéraire. Sa place n’est pas, comme il l’a proclamé, à côté de Copernic et de Darwin, mais bien avec Hans Christian Andersen et les frères Grimm, des auteurs de contes de fées » (p.10) Pour les auteurs, la messe est dite. Les énoncés les plus intéressants de Freud ont généralement été repris à ses prédécesseurs. Les processus inconscients ? On les trouve déjà chez des philosophes de l’antiquité. L’incidence de la sexualité dans les troubles psychiques ? De nombreux auteurs en parlent, comme le reconnaît Freud lui-même. L’importance de l’enfance dans l’avenir de l’homme ? C’est une idée récurrente. Mais alors, comment expliquer la réussite des thérapies freudiennes ? Si les historiens ont pu démontrer, notamment à partir de la correspondance du maître, ses mensonges concernant les prétendues guérisons de nombre de ses patients, il n’en reste pas moins que des milliers de personnes peuvent attester du mieux être produit par la psychanalyse. Pour les auteurs, le sentiment d’être écouté et compris, l’espoir de changer, l’impression de mieux comprendre ce qui se passe en soi suffiraient à expliquer ce succès. En aucun cas, cela ne vient consacrer les montages théoriques. Dans toutes les thérapies, les patients finissent par s’aligner sur le système conceptuel de son thérapeute, allant identifier dans son histoire, ses souvenirs et le déroulement de sa vie ce qui coïncide avec la théorie qui lui est présentée. Les psychanalyses n’y échappent pas. « Le liseur de pensée ne fait que lire chez les autres ses propres pensées » affirmait Wilhelm Fliess dans une de ses lettres à Freud. Une phrase qui devrait être placardée dans chaque cabinet de thérapeute.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1019 ■ 19/05/2011