Maud Mannoni: une autre pratique institutionnelle
AVET Romuald, Ed. Champ Social, 2014, 99 p.
La psychanalyse se retrouve coincée entre, d’un côté, la dictature du chiffre, de la norme et de l’évaluation qui menace son existence et, de l’autre, l’impérialisme des interprétations d’une doctrine qui a substitué l’orthodoxie et le dogme à la subversion initiale. Ce jugement sévère, mais lucide n’est pas le fait d’un quelconque détracteur de cette approche, mais de l’un de ses défenseurs les plus convaincus. Et ce qui fonde le mieux la fidélité de Romuald Avet à l’héritage de Freud, c’est l’oeuvre d’une psychanalyse à la renommée internationale. Inspirée par Lacan, Dolto et Winnicott, Maud Mannoni fonde avec Robert Lefort, en 1969, l'école expérimentale de Bonneuil-sur-Marne. Se consacrant aux enfants et adolescents psychotiques en général et autistes en particulier, réputés alors « arriérés » et irrécupérables, et dont personne ne voulait, elle veille à ce que le lieu de vie qui les accueille ne se transforme pas en un espace totalitaire. Trois caractéristiques vont permettre d’atteindre cet objectif. La première et sans doute la plus originale, c’est le principe d’une institution au fonctionnement éclaté, ouvert vers l’extérieur, où toutes sortes de brèches favorisent le passage d’un lieu à l’autre (famille d’accueil, travail et/ou activité hors les murs), cette alternance dialectique d’absence/présence canalisant la forte angoisse de la séparation, propre au public accueilli. Seconde logique qui structure l’accompagnement : ne pas tenter de réduire des troubles, mais les considérer comme autant de symptômes à tolérer, afin de faire une place au sujet se cherchant à travers eux. Troisième axe, ne pas enfermer, comme le fait trop souvent la psychiatrie, la personne accueillie dans un statut de malade mental prisonnier d’un verdict relevant d’une nosographie préétablie, mais ouvrir sur un ensemble de possibles faits d’imprévu, de changement et de risque.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1160 ■ 02/04/2015