Les blessures symboliques, essai d’interprétation des rites d’initiation

Bruno Bettelheim, Gallimard, 1972, 252 p.

La plupart des civilisations humaines comportent des rites d’initiation. Ceux-ci peuvent être à l’initiative du monde adulte. Mais quand ils n’existent pas, ce sont les adolescents eux-mêmes qui les réinventent. On trouve souvent au cours de ces cérémonies des mutilations du corps de l’initié. La variété et la multiplicité de forme, de contenu et d’origine de ces traditions font qu’on ne pourra jamais les comprendre avec une seule batterie d’hypothèses.

Freud a évoqué concernant la circoncision une punition du père primitif imposant une castration symbolique. La coutume se serait alors perpétuée comme signe de soumission à l’autorité paternelle.

Mais bien d’autres explications peuvent être proposées.

On peut ainsi évoquer la notion de fertilité: il s’agit alors de favoriser la procréation humaine par une identification sexuée.

Certaines pratiques confient à l’homme la tâche de souffrir au moment de l’accouchement de la femme: c’est lui qui est alors couché et choyé. D’autres amènent les adolescents à porter des vêtements de femme au moment de la cérémonie d’initiation. La chirurgie rituelle n’est pas en reste, elle qui cherche à attribuer à l’un les organes génitaux de l’autre: élongation du clitoris ou des lèvres chez la femme ou subincision du pénis chez l’homme. On retrouve là la tendance polyvalente inhérente à l’être humain qui consiste à vouloir intégrer les désirs à la fois masculin et féminin de chacun.

Autre support de ces scarifications: l’influence religieuse qui remplace dans la société primitive le contrôle rationnel de la production.

En fait, les peuples primitifs modifient peu l’environnement physique qui les entourent. Ils ne possèdent pas non plus d’écriture. Double raison pour qu’ils utilisent largement la manipulation auto-plastique, à savoir l’inscription de leurs mythes sur leurs propres corps.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°319 ■ 14/09/1995