Choisir sa vie, vivre ses choix
Philippe LEFEVRE, Chronique Sociale, 2001, 103 p.
Contrairement à ceux qui pensent que nous sommes prédéterminés par à nos gènes et irrémédiablement liés à notre famille ou à notre culture, l’auteur le proclame bien haut : choisir sa vie constitue une étape fondamentale du processus d’humanisation. Le reste du monde animal est marqué par des comportements conditionnés par la satisfaction des besoins (recherche du plaisir immédiat et fuite de toute souffrance) et est gouverné par le contentement des seules pulsions. Tout au contraire, choisir signifie passer du stade d’un être objet de désirs à celui d’un sujet désirant. C’est sortir de la passivité, de la répétition et du conformisme : c’est échapper à l’emprise des autres pour se découvrir sujet libre. Pourtant, nous avons de multiples raisons de ne pas choisir. Cela nous fait peur, nous préférons parfois renoncer à trancher plutôt que de nous engager dans une voie. Nous espérons que d’autres décideront à notre place. Mais, c’est alors se contenter de subir et rester passif. Bien sûr, il y a des tas de choses qui nous sont imposées : nos parents, notre sexe, l’époque dans laquelle nous vivons, nos collègues de travail, nos voisins ... que nous n’avons jamais choisis. Mais si certains aspects de notre vie ne peuvent être négociés, bien d’autres peuvent l’être. Si, du moins, on apprend à construire sa destinée, en sachant s’arrêter et se poser pour décider de la route que nous allons emprunter. A la base de ce choix, il y a le désir : c’est cette tension interne que provoque le manque qui sera d’autant plus intense que l’écart sera grand entre sa naissance et son assouvissement. Pour autant, si notre seul but est la réalisation du désir, le passage à l’acte sera privilégié, sans qu’aucune distance n’aie été posée entre le ressentie et l’agi, ni aucun tri n’aie été au préalable réalisé : il n’y aura de place alors que pour une réponse immédiate et unique. Or, il existe un temps pour tout : un temps pour laisser mûrir et un temps pour satisfaire ces désirs. Si nous voulons être à la fois l’auteur, le créateur, le promoteur, le réalisateur et l’acteur principal de notre scénario, nous devons choisir parmi nos eux et apprendre à les faire progresser. On peut commencer par les déplacer en ne s’en tenant pas à ses manifestations initiales mais en les faisant évoluer. On peut aussi les différer en les inscrivant dans le temps. On peut encore les sublimer en les satisfaisant sous une forme dérivée (comme c’est souvent le cas dans l’art). On peut enfin y renoncer pour de multiples raisons (parce qu’ils vont nuire à autrui ou qu’ils contreviennent à notre éthique ou tout simplement parce qu’ils ne sont pas réalistes). Ces différentes stratégies s’appuient elles-mêmes sur nos valeurs et nos repères et surtout sur un certain nombre de renoncements : à la nominalisation, à la comparaison avec autrui, à la toute puissance ou encore à la simplification de nos sentiments.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°591 ■ 04/10/2001