Papa, maman, le juge et moi
JUTTNER Georges, Ed. Gallimard, 2012, 287 p.
Fort de la centaine d’expertises auprès des tribunaux qui lui sont confiée chaque année, Georges Juttner est bien placé pour décrire cette mission. Pédopsychiatre et psychanalyste, il distingue bien la fonction d’expert de celle de soignant. S’il s’agit, dans les deux cas d’identifier une structure de personnalité, le premier exerce une technique incisive et directive là où le second se montre respectueux du cheminement de la personne. Le premier interprète le flou des réponses, les incongruités et les non dits comme des éléments défavorables au sujet, quand le second considère les impasses et les errements comme constitutifs de la vie psychique. Le premier s’appuie sur une recherche de signes objectifs qu’il va décrire dans un écrit à destination d’un juge aux affaires familiales, d’un juge des enfants ou d’un juge d’instruction, alors que le second s’abstient de tout jugement de valeur et garantit la confidentialité des échanges. L’auteur explore la confrontation et la complémentarité de ces deux postures. C’est toujours l’enfant qui est soumis à l’expertise, ses parents n’y entrant qu’à travers leurs rapports avec lui. Il s’agit bien d’aller à la rencontre de son fonctionnement psychique, pas de le figer, tant l’organisation de sa personnalité est en constant remaniement. Aucune fin expertale ne peut justifier la création d’une situation anxiogène ou traumatogène. S’il doit tout faire pour s’en détacher, aucun expert ne peut échapper aux processus identificatoires, ni se départir d’une subjectivité qui l’attire vers des interprétations psychogénétiques, sociogénétiques ou organogénétiques lui faisant privilégier des facteurs psychiques, interrelationnels ou dysfonctionnels. Une seule chose s’impose à tous : ce n’est jamais un parent qui gagne contre l’autre parent, mais toujours l’enfant qui perd, quand il ressort du conflit des adultes écartelé entre l’un et l’autre.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1147 ■ 18/09/2014