Leçons d’humour
HUMBEECK Bruno, Ed. Mols, 2017, 271 p.
Manquer d’aptitude à supporter toute forme de drôlerie est considéré comme une tare sociale, une faiblesse psychologique, voire une infirmité.
Pourtant, l’humour n’est pas exempt de toute charge agressive et peut provoquer le pire comme le meilleur. Entre la moquerie qui tue et la plaisanterie qui relève, il peut tout autant exclure qu’inclure, anéantir que construire, permettre à l’opprimé de résister autant qu’au dominant de l’écraser. Un sourire sardonique et un éclat de rire diabolique peuvent assombrir, là où un beau sourire éclaire un visage et un véritable rire l’illuminer.
La délicatesse et la bienveillance sont les indispensables ingrédients du lubrifiant social qu’il prétend être, évitant alors qu’il ne soit perverti en humiliation, blessure ou exclusion.
Le bébé ne naît pas fondamentalement pleurnichard ou rieur. Il se construit dans l’interaction avec son entourage. Il apprend très vite à distinguer les vrais sourires des grimaces qui tentent de les singer. Ce fut pendant longtemps, un réflexe de survie, tant cette authenticité ou cette hypocrisie induit chez lui une confiance ou une défiance à l’égard des adultes dont il dépend totalement. C’est le bain éducatif affectif et sécurisant dans lequel il grandit qui cultive et entretient son sourire. Le glissement du sourire authentique et spontané vers celui à signification sociale, policé par la régulation normative relève bien d’un apprentissage culturel.
Assouplir une vie raidie, mettre des rondeurs, ôter un peu de gravité, délester du poids du chagrin, réduire les tensions, favoriser l’expression émotionnelle… autant d’atouts encourageant à cultiver l’humour. Pour autant, si l’utiliser contre les dominants est toujours drôle, en faire une arme de pouvoir et de soumission pour rabaisser et railler les plus faibles est toujours lâche.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1297 ■ 08/06/2021