La sexualité des enfants
Jean-Yves HAYEZ, Odile Jacob, 2004, 318 p.
Le sujet de cet ouvrage n’est pas tant l’enfant abstrait, celui qu’on idéalise, que l’être réel qui est animé d’une force de vie qui lui permet de grandir, sa sexualité étant en cohérence avec sa maturation progressive. Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre, nous propose un ouvrage tout en nuance qui fait la place à la complexité du petit d’homme. Il s’intéresse tant à ses fonctionnements qu’il appelle « suffisamment sains » qu’à ceux qui sont d’autant plus préoccupants qu’ils ne se limitent pas à une dimension transitoire, mais peuvent s’inscrire dans la longue durée. Il existe chez l’enfant une curiosité naturelle qui s’exerce dans tous les domaines, y compris en matière sexuelle. La masturbation n’est pas seulement une source de plaisir qui se déploie surtout dans la petite enfance et au moment de l’adolescence, elle lui permet aussi de prendre possession de son corps et de l’aimer. Elle est donc partie intégrante du processus d’estime de soi. Conscient de l’attirance qu’il exerce sur l’adulte, l’enfant peut désirer vérifier sa capacité de séduction. Elle s’exerce dans la majeure partie des cas en direction d’autres enfants du même âge et de la même force. La jouissance issue alors des jeux de découverte physique réciproque fait aussi partie de l’élaboration de la personnalité. De même, quand un enfant mime un coït ou une fellation, ce peut être tout autant un acte d’imitation audacieux, qu’un comportement aux implications érotiques et vicieuses. Plus il grandit et plus il est attiré par les pratiques des plus grands. Les adultes doivent affirmer leur rôle d’éducation et de soins, en instituant clairement les bonnes frontières entre le permis, le toléré et le défendu. Ils doivent poser les interdits: pas de relations sexuelles complètes avant la puberté, pas d’activités sexuelles entre enfants d’âge très différent, plus d’activité sexuelle au sein de la fratrie au-delà de 11 ans... et les rappeler en cas de transgression. Mais, il faut veiller à modérer la réaction adulte pas tant pour banaliser, que pour éviter que la réponse ne soit plus traumatisante que l’attitude qui inquiète. Selon l’auteur, 10 à 15 % de la population infantile déploient une sexualité considérée comme précoce ou trop abondante. 0,5 à 1 % adoptent des attitudes perverses. Est considérée comme préoccupante toute sexualité désignée comme telle, à un moment donné, dans une culture donnée, les valeurs et convictions étant avant tout très subjectives. Certaines circonstances peuvent expliquer ces dérives : une prédisposition de l’enfant lui-même (comme par exemple l’hyper excitabilité des parties génitales), mais aussi et surtout un dysfonctionnement familial (culture hédoniste ou délaissement qui laisse l’enfant aux prises des plus grands qui « font son éducation » en l’initiant à des plaisirs qui ne sont pas de son âge). Jean-Yves Hayez consacre une grande partie de son ouvrage à expliciter quelles peuvent être les réactions des adultes face à une sexualité qui pour parfois inquiéter doit aussi être gérée.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°733 ■ 09/12/2004