Le mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes
GAZALÉ Olivia, Ed. Robert Laffont, 2017, 419 p.
L’homme n’est homme que parce qu’il arbore les attributs triomphants de sa virilité. La mythologie, la cosmologie, la métaphysique, la religion et la science ont imaginé deux pôles diamétralement opposés. D’un côté la femme passive et inconstante, fragile et faible, au caractère doux et aimant, gouvernée par ses émotions et incapable de raisonner, faite pour la maternité. De l’autre, l’homme fort et courageux, avisé et volontaire, au caractère stable et conquérant, maître de lui et capable de réfléchir, fait pour dominer et gouverner le monde. Produites non par la nature, mais par une construction culturelle, ces distinctions n’en ont pas moins placé l’homme au centre de l’univers. Il s’est approprié le corps de la femme, l’a infériorisée et diabolisée, élaborant un véritable système totalitaire l’excluant de certains espaces et l’enfermant dans d’autres. Devant renoncer à ses propres choix, elle est réduite à la triple figure de la vierge, de la mère ou de la putain. L’homme s’est piégé lui-même, en se condamnant à devoir sans cesse prouver, confirmer et démontrer sa vigueur sexuelle et sa résistance physique, sa puissance et son succès. Toute sa vie, il doit chercher à se déprendre de l’emprise du féminin qui menace son identité, en ne montrant ni sa peur, ni ses larmes, ni ses fragilités, ni ses doutes. Le mythe viriliste a nourri la misogynie, la xénophobie, le racisme, l’esclavagisme, l’homophobie, le fascisme et toutes les formes d’asservissement et d’anéantissement de l’homme par l’homme. Mais, cet archétype est de plus en plus bousculé par une modernité qui brouille les repères habituels. Mais si la femme s’est affranchie du modèle virginal, de pudeur et de chasteté, l’homme ne s’est pas encore émancipé du modèle normatif de la virilité. La faille s’agrandit au rythme de la désexuation du monde, de la désinstitutionalisation du pouvoir du père et de la généralisation du sujet moderne caractérisé par la fluidité, la flexibilité et la réinvention du soi permanent. Les masculinistes s’en prennent au relâchement de moeurs, au laxisme de l’éducation, à l’égalisation des sexes, à la faillite paternelle et à la tyrannie maternelle. Pourtant, il n’y a pas à choisir entre la crispation rétrograde sur la polarité des rôles sexués traditionnels et la désintégration absolue des repères sexo-identitaires. Les masculinités sont multiples, tout autant que les féminités. Chacun et chacune doivent pouvoir trouver sa place le long d’un continuum non hiérarchisé entre l’homme hyper masculin et la femme hyper féminine. C’est une chance plutôt qu’un malheur.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1228 ■ 03/05/2018