« Monstres 2.0. L’autre visage des réseaux sociaux
ESCANDE-GAUQUIÉ Pauline et NAIVIN Bertrand, Ed. François Bourin, 2018, 130 p.
La révolution numérique a transformé notre société en un village global, à travers l’accès au savoir pour tous, la gratuité d’internet et l’horizontalité des relations. Tout un chacun peut devenir simultanément spectateur, acteur et commentateur, échanger et interagir, mais aussi créer des contenus. Mais, c’est justement cette nouvelle culture incitant à tout montrer et à tout regarder qui produit de multiples dérives. A commencer par l’espace intime de chacun qui se trouve colonisé par les notifications incessantes et aliéné au flux sans fin d’informations. Les distances spatiales s’abolissent et l’interconnexion constante fragilise l’individu. Tout peut et doit être photographié, partagé, commenté, liké. L’obsession à médiatiser sa vie et à regarder celle des autres pousse à communiquer sur l’évènement au lieu de le vivre. En priorisant le direct, les réseaux sociaux diffractent et saturent notre rapport au temps, coupant toute possibilité d’autocontrôle et offrant à toutes les pulsions humaines la possibilité de se déverser. Le monstre 2.0 est devenu banal et quotidien. L’inhumanité est à un clic. Parce qu’il mêle sans distinction dérisoire et abject et amalgame le réel et le virtuel, cet espace favorise le voyeurisme, le sadisme et le narcissisme. Il est devenu le lieu privilégié des défoulements passionnels et morbides, des incitations à la haine, de la provocation aux insultes et aux conduites transgressives. Chacun est encouragé à s’exhiber, à travers une culture de soi qui entraîne l’émiettement de l’identité, au gré des sollicitations. Face à cet internet là qui s’éloigne de l’ambition initiale qui rêvait d’émanciper l’humanité, il nous faut changer de philosophie, apprendre à le maîtriser plutôt qu’à le laisser nous asservir.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1240 ■ 29/11/2018