Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive

ROSA Hartmut, Ed. La Découverte, 2014, 153 p.

Notre monde est soumis à un vertigineux processus d’accélération. Au niveau technique d’abord : la vitesse de communication s’est accrue de 107 %, celle des transports de 102 % et celle du traitement des données de … 1010 %. Le changement social  est aussi concerné : la famille ou le travail connaissent des bouleversement à l’intérieur d’une même génération (quand il en fallait plusieurs, auparavant). Il en va de même pour le rythme de vie : nous faisons plus de choses en moins de temps et plus dans le même temps, la liste de ce que nous n’arrivons pas à faire s’allongeant chaque année. C’est là le résultat direct d’un capitalisme recherchant toujours plus d’avantages concurrentiels induits par les gains de productivité. Les implications sont nombreuses. La multiplication des réseaux de communication anesthésie nos réactions émotionnelles. L’incroyable augmentation de la vitesse de production rend obsolètes les produits avant même qu’ils n’aient commencé à s’user. Dans les sociétés stratifiées d’autrefois la reconnaissance sociale était liée aux places immuables de chacun dans la société que les enfants héritaient de leurs parents. Dorénavant, elle est dépendante de la course à la performance qui s’impose à tous, remplaçant les dépendances anciennes par de nouvelles. Cette perception inédite du temps et de l’espace modifient profondément les modèles d’interaction et de subjectivité. Le diktat totalitaire de la vitesse et de la compétitivité qui s’impose à tous les niveaux a créé de graves pathologies sociales. Pourtant, la résistance s’organise, sous la forme d’oasis de production à l’ancienne ou de choix de décélération volontaire. Voilà un livre qui pose des questions essentielles, venant résonner avec un quotidien que nous partageons tous.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1222 ■ 08/02/2018