Un quart en moins. Des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaire
SILVERA Rachel, Ed. La Découverte, 2014, 238 p.
« A travail égal, salaire égal ». Pourquoi cette vieille et légitime revendication se heurte-t-elle, depuis si longtemps, au plafond de verre discriminant les femmes ? Rachel Silvera nous propose une explication à la fois historique et contextuelle précise et détaillée. Cela tient, tout d’abord, à cette « tradition » économique voulant que le calcul du salaire soit élaboré à partir des moyens nécessaires à la reproduction de la force de travail de l’ouvrier. Cette évaluation incluait non seulement ce qui permettait au salarié de se nourrir, de se vêtir et de se loger, mais aussi d’assurer ces conditions minimales de survie à sa progéniture … et à sa femme. Dès lors, le salaire de Madame ne pouvait être conçu qu’en tant qu’appoint ou complément. Considérée comme incapable de vivre par ses propres moyens, elle ne pouvait qu’être à charge soit de son père, soit de son mari. Absurde, quand on pense qu’en 1910, 40% d’entre elles vivaient seules ou avec leurs enfants. Mais non, tout au long du XIXème siècle et jusqu’en … 1946, date de l’abolition du « salaire féminin », celui-ci sera inférieur de 57 et 68 % par rapport au salaire masculin. Le combat pour l’égalité des salaires se heurtera aux plus hautes autorités médicales attestant d’une moindre rentabilité féminine ou des besoins physiologiques différents, mais aussi aux syndicats n’hésitant pas à déclencher des grèves … contre le travail des femmes accusées de concurrencer les hommes et renvoyées à leur fonction maternelle. Cette notion de « salaire d’appoint », bien qu’illégale, est réapparue sous d’autres formes. Celle tout d’abord du travail à temps partiel qui, massivement féminin, n’est le plus souvent pas choisi, mais subi, accréditant l’idée que les ressources qui en sont issues viennent compléter l’activité principale exercée par l’homme. C’est, ensuite, les déroulements de carrière qui stagnent pour les unes, quand ils progressent pour les autres. Fréquent prétexte à la discrimination de genre quant aux promotions proposées, le « risque » maternité. Assimilée à un plus grand absentéisme et une moindre productivité, l’éducation des enfants n’a jamais été neutralisée dans le parcours professionnel, comme a pu l’être par exemple, en son temps, le service militaire. Troisième forme d’inégalité : plus de la moitié des femmes se concentrent dans douze métiers sur les quatre vingt dix sept répertoriés. Ces familles professionnelles sont construites autour de compétences présumées propres à la féminité : l’éducation, le secrétariat, la santé, l’aide à domicile, le nettoyage, l’assistance, la vente… Ce qui permet de les dévaloriser et de les sous-payer. Réhabiliter le travail des femmes, visibiliser leur parcours, rétablir leurs droits en justice : malgré les progrès constatés, le combat pour l’égalité des salaires sera encore long à mener… et à gagner.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1148 ■ 02/10/2014