L’envers de la "fraude sociale". Le scandale du non-recours aux droits sociaux

Observatoire des non-recours aux droits et services, Ed. La Découverte, 2012, 210 p.

Que n’a-t-on entendu sur ces pauvres profitant des aides sociales, ces allocations pesant sur l’économie, cette fraude sociale grevant les comptes sociaux, cet assistanat gangrenant notre société. Aucun discours n’était assez dur pour stigmatiser les plus fragiles, coupables de bénéficier de la redistribution des revenus. Et puis, voilà le travail remarquable d’un groupe de chercheurs qui nous démontre que non seulement les pauvres ne coûtent pas à la collectivité, mais qu’en plus, ils sont bien loin de jouir de tous leurs droits ! Certes, les tricheries, pour recevoir des prestations financières indues existent bel et bien. Elles sont même évaluées à 4 milliards d’euros par an. Mais, la fraude aux cotisations sociales coûte quatre fois plus cher (16 milliards d’euros) et celle pour ne pas payer ses impôts six fois (25 milliards d’euros). Illustration, avec l’assurance maladie auprès de qui, en 2008, huit cent huit assurés ont bénéficié à tort de la Couverture maladie universelle complémentaire pour un montant de 800.000 euros. Mais, c’est sans commune mesure avec les 71 millions versés frauduleusement aux établissements de santé et les 32 millions aux professionnels indépendants. A l’inverse, le non-recours aux droits sociaux représente des sommes impressionnantes : 5,7 milliards pour le Revenu de solidarité active, 4,7 milliards pour les allocations familiales et logement, 2 milliards pour l’assurance chômage, 828 millions pour l’Allocation personnalisée d’autonomie, 700 millions pour la Couverture maladie universelle complémentaire, 378 millions pour l'aide pour l'acquisition d'une assurance complémentaire santé. Quant au tarif de première nécessité, instauré en 2004 pour la consommation d’électricité, seuls 47 % de la population qui peut y prétendre en a effectivement bénéficié. De même, pour les tarifs sociaux des transports qui ne profitent qu’à 30 % de ceux qui pourraient en profiter. Plusieurs facteurs expliquent cette curieuse abstention, telles la méconnaissance des dispositifs ou des démarches administratives parfois complexes et rebutantes. Mais, la norme dominante imposant d’avoir à subvenir à ses besoins grâce à son travail induit tant le refus d’être redevable que le soupçon de vouloir profiter, abuser ou tricher. A la campagne de lutte contre la fraude doit correspondre celle concernant l’accès aux droits pour tous. Car, si le fait de ne pas bénéficier de ses droits représente une perte de ressources pour les personnes concernées, cela constitue un surcoût pour la collectivité, non seulement en terme de cohésion sociale mais, aussi, par le déficit d’activité économique et de paiement de taxes, puisque ces allocations ne se traduisent pas en consommation.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1116 ■ 05/09/2013