Il n’y a pas de peine juste

Guy CASADAMONT et Pierrette PONCELA, Odile Jacob, 2004, 279 p.

Corps frappé, mutilé ou enfermé, amende ou indemnisation, confiscation des revenus ou de biens divers, travail forcé ou consenti au profit de la communauté, surveillance et interdiction dans la vie quotidienne, bannissement, pénitence, exposition, mort infligé … le corps, les biens, les droits et libertés ont été de tous temps matière à sanction selon des modalités les plus diverses. La peine est le moyen que se donne un groupe organisé, pour sanctionner celles et ceux de ses membres qui ne respectent pas les règles communes. Sa première fonction est  prospective : éviter la récidive, mais aussi éduquer, resocialiser et réintégrer l’auteur de l’infraction. La seconde est restitutive : le dommage occasionné aspire à l’équivalence, voire à l’effacement. Il y a là de la rétribution, de l’expiation et de la vengeance. Le premier code pénal est élaboré par les juristes révolutionnaires, en 1791. Il rejette la violence et la barbarie propres aux pratiques antérieures. L’éducation devient le but et le sens de la justice : « il s’agit de rendre meilleur à la fois ceux qui subissent les peines et ceux qui les infligent. » (p.55) L’humanisme affiché se concrétise par la fin progressive de l’exécution des condamnations en public. A partir de 1836, les bagnards sont transportés dans des fourgons fermés à l’abri des regards. En 1848, le carcan et l’exposition disparaissent. Il faudra quand même attendre 1939, pour que les exécutions capitales aient lieu dans une enceinte pénitentiaire, les seuls présents étant les témoins dûment désignés par la loi.  Autre évolution notable, la dualisation de la politique judiciaire : d’un côté des peines à durée indéterminée pour les irrécupérables et les récidivistes, de l’autre des peines temporaires de privation de liberté pour les amendables et les primaires. Pour les premiers, la relégation aux travaux forcés votée en 1885 et la période de sûreté perpétuelle votée en 1994. Pour les seconds, une diversité de peines qui permet l’individualisation de la condamnation. En 1885, la loi instaure la liberté conditionnelle, puis en 1891 le sursis à exécution. En 1949, c’est la permission de sortie, en 1958, l’instauration du Juge d’application des peines, en 1972, la réduction de peine. La justice dispose aujourd’hui de toute une panoplie lui permettant d’opter pour des peines alternatives à l’incarcération : semi-liberté, fractionnement, sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve, sursis avec travaux d’intérêt général, ajournement, jours amende, annulation  de permis… Pour autant, la peine n’est appropriée ni pour la police, ni pour la défense, ni pour la victime, ni pour la juridiction de jugement, ni pour le condamné. Aucun n’est d’accord sur les critères à appliquer : gravité de l’infraction ? Importance des dommages causés ? Personnalité de l’infracteur ? Sécurisation de la société ? Réinsertion du délinquant ? « Il n’y a pas de peine juste, juste des peines différentes » (p.252)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°758 ■ 23/06/2005