Police de proximité. Nos politiques de sécurité

Sebastian ROCHE, Seuil 2005, 310 p.

L’insécurité et le sentiment qui l’accompagne a progressivement occupé le devant de la scène depuis le début des années 1970. Sebastian Roché, qui fut le premier à en parler en 1993, à une époque où ces questions étaient rejetées au rang de pur fantasme, nous propose dans son nouvel ouvrage un état des lieux sans concessions : le taux d’élucidation des crimes et délits est aujourd’hui de 26,5% contre 51% en 1950. Pour cent délits commis, cinquante sont portés à la connaissance de la police, douze sont élucidés, huit font l’objet d’un jugement et seulement six et demi débouchent sur une application de la peine. Le risque d’être sanctionné est donc des plus faible. Parmi les différents facteurs explicatifs de ce peu d’efficacité, l’organisation des forces de l’ordre qui n’a pas changé depuis l’époque de la France rurale. Première aberration : la ventilation des effectifs. Certains départements comptent deux fois plus de délits que d’autres mais bénéficient de deux fois moins de personnels qu’eux pour y faire face. Seconde incohérence : les forces de l’ordre sont réparties en plusieurs corps qui ne collaborent qu’avec réticence (police et gendarmerie), une part non négligeable d’entre elles étant statiques ou en disponibilité (CRS et gardes mobiles). Troisième anachronisme : un centralisme tatillon qui fait prendre ses ordres, rendre des comptes et trouver des moyens loin du terrain, à Paris. Quatrième absurdité : ce sont les plus inexpérimentés et les plus jeunes des fonctionnaires qui sont envoyés dans les zones les plus sensibles. Une tentative de réforme est intervenue sous le gouvernement Jospin : la police de proximité. Elle s’est inspirée des expériences étrangères et s’est inscrite dans la continuité des réflexions des différents ministres de l’intérieur qui se sont succédés. Elle chercha à accroître la disponibilité de la police et son rapprochement d’avec la population, à améliorer son image et à rééquilibrer l’intervention préventive sur la répression après coup. Sebastian Roché décrit le cheminement calamiteux de ce qui devait être une révolution culturelle et qui s’avéra un fiasco. Longues hésitations d’abord, précipitations ensuite, transformations opérées par le haut sans considération des inévitables résistances et incompréhensions du terrain, incertitudes et pas assez de temps laissé pour assimiler les nouvelles orientations, oppositions corporatistes de la hiérarchie, maladresse dans la communication, mesures trop politiques et pas assez techniques, plaquées et abstraites, décousues et pleine d’à-coups. Pour rendre le changement légitime, il faut user de conviction et développer la motivation… « La réforme est un mélange de continuité et de rupture. Le dosage est certes malaisé à réaliser, mais l’option tout en rupture est la plus périlleuse » Et c’est malheureusement cette dernière qui fut choisie, provoquant l’échec de la réforme.

 

Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°817 ■ 16/11/2006