Préhistoire de la violence et de la guerre
PATOU-MATHIS Marylène, Ed. Odile Jacob, 2013, 208 p.
La guerre, les massacres ethniques, la violence comme mode de résolution des conflits sont tellement récurrents à travers l’histoire que l’on peut se demander si l’espèce humaine peut s’en passer. Des questions taraudent les historiens, les philosophes et les archéologues : ces comportements ont-ils toujours existé ? La préhistoire montre-t-elle des traces de cette brutalité ? A-t-il existé un temps où les hommes ne s’entretuaient pas ? Marylène Patou-Mathis, docteur en préhistoire, consacre une grande partie de son ouvrage à répertorier les nombreuses théories contradictoires élaborées, depuis deux siècles, pour tenter de répondre. Elle les confronte à la réalité des recherches de terrain. Et elle fait le constat du peu de traces d’actes de violence volontaire et de l’absence dans l’art pariétal de représentations les mettant en scène. Il a pu être établi sur des os datant d’environ cinq cent mille ans, des preuves de handicap qui n’ont pas empêché ceux qui en étaient atteints de survivre, alors même que la dureté des conditions d’existence ne leur aurait pas permis d’y arriver, s’ils n’avaient bénéficié de l’aide et de la solidarité de leurs congénères. Faut-il en conclure à la prégnance de l’altruisme et à l’absence d’affrontements intercommunautaires, pendant des millions d’années ? S’il est difficile de trancher sur une période historique qui n’a pas laissé de trace écrite, le contraste est saisissant avec le moment où interviennent la sédentarisation liée à l’invention de l’élevage et de l’agriculture, l’apparition d’élites dirigeantes et des castes de guerriers, ainsi que le développement des inégalités. La transformation des communautés pacifiques en communautés guerrières n’a rien d’inévitable. La violence n’est pas inscrite dans les gênes de l’être humain. Elle est le produit de la société dont se dotent, à un moment donné, une communauté.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1144 ■ 26/06/2014