La violence des riches. Chronique d’une immense casse sociale
PINÇON Michel et PINÇON-CHARLET Monique, Ed. Zones, 2013, 252 p.
Il n’est pas de faits divers mettant en scène la délinquance des plus pauvres qui ne soient médiatisés, donnant lieu aux appels à plus de répression. Il n’y a pas de mesures qui soient suffisamment sévères pour répondre aux incivilités, aux nuisances et au sentiment d’insécurité. Il n’est pas de réflexe de survie des plus démunis qui ne soient stigmatisé comme un affront à la citoyenneté. Mais, pour ce qui est de l’insécurité sociale, celle qui brise des milliers de vies sacrifiées sur l’autel des dividendes des actionnaires, c’est plutôt la résignation qui l’emporte : on ne pourrait rien contre la mondialisation, notre pays devrait en finir avec les charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises, les avantages sociaux constitueraient un frein au développement économique etc… Ce refrain des économistes néo-libéraux, relayés par des journalistes leur servant de caisse de résonance, on le connaît bien : on nous sert la soupe, chaque jour. L’indignation est pourtant latente : la violence n’est pas seulement celle des coups que l’on reçoit au coin d’une rue, quand on se fait braquer. Elle est tout aussi présente quand on licencie en masse, avec pour seul objectif d’améliorer les taux de profit ; quand on perpétue les rémunérations pharaoniques des grands patrons à coups de millions d’euros, pendant qu’on augmente de quelques centimes le SMIC ; quand on verse des milliards à des entreprises qui ferment quelques années plus tard. Et si l’on inversait la donne et que l’on se mettait à détailler cette violence dont les riches sont à la fois les commanditaires et les bénéficiaires ? C’est ce que nous proposent Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlet, deux sociologues fins connaisseurs de la grande bourgeoisie, pour lui avoir consacré de nombreux ouvrages. Revenant dans le détail sur un certain nombre de manœuvres ayant permis la fermeture de grandes entreprises, démontrant l’affaiblissement de la justice dans la répression de la délinquance financière, décrivant les moeurs des plus privilégiés qui ne pensent qu’à accroître encore plus leur richesse, dénonçant la complicité des personnels politiques de droite comme de gauche, les auteurs dressent un tableau pessimiste de la montée en puissance d’un capitalisme financier qui choisit de spéculer plutôt que d’investir. Encouragé en cela par l’Union européenne qui légitime l’enrichissement des plus aisés considérés comme des créateurs et réduit les salariés à des charges qu’il faut réduire, mettant tout en œuvre pour faire baisser les déficits, en préconisant la privatisation des services publics, la désindexation des prestations sociales sur l’inflation et le prolongement de l’âge du départ à la retraite. L’avenir est bien sombre.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1125 ■ 07/11/2013