Quelle éducation face au radicalisme religieux?

Dounia BOUZAR, Dunod, 2006, 256 p.

Un élève qui arrache systématiquement les affiches de son collège où se trouvent présentées des figures humaines au prétexte que le Coran interdit toute représentation (il s’agissait à l’époque de combattre l’idolâtrie). Un jeune qui refuse de serrer la main d’une éducatrice, « parce que c’est une femme ». Une adolescente qui se voile dans les jours qui suivent son admission en appartement autonome. Les professionnels sont parfois confrontés à des situations pour le moins déroutantes qui peuvent les amener à des comportements de rejet. Cinquante acteurs de terrain se sont retrouvés pendant trois ans pour mettre en commun un savoir et des expériences qui se trouvent synthétisés ici, dans une contribution unique sur cette question. Le propos de l’ouvrage n’est pas d’évoquer l’appartenance à une confession. Tant qu’un jeune ne dérange personne, ne cause ni désordre, ni perturbation et que la religion constitue pour lui une référence intime et positive, ainsi qu’une aide personnelle, il doit pouvoir vivre sa croyance comme il l’entend. Ce qui est en cause, c’est la déclinaison radicale de la foi, quand elle a des conséquences dans les relations entre garçons et filles, dans le respect du aux autres, dans le blocage de toute communication, dans le rapport au réel. Toutes les formes d’intégrisme sont construits sur les mêmes schémas de déculturation explicite, d’individualisation et de rupture des liens tant familiaux que sociaux. On retrouve là les mêmes mécanismes que dans les dérives sectaires. Le poids du groupe, l’offre d’un espace de substitution permettant d’acquérir une identité jouent tout autant que la perte d’espoir social. Se pose alors la question de savoir comment atteindre le jeune derrière l’écran qu’il projette dans la relation. La démarche éducative à laquelle se réfèrent les professionnels fait appel à une laïcité qui garantit à l’enfant en voie de construction l’accès à plusieurs visions du monde pour qu’il se forge en son âme et conscience ses propres choix. La première précaution face à des jeunes happés par la dérive intégriste, c’est bien de prendre son positionnement comme un symptôme. Il convient de ne pas se focaliser sur sa trajectoire et de ne pas l’enfermer dans une identité homogène, ce qui ne ferait que valider et nourrir les exaltations du groupe. Il faut s’adresser à lui en tant que sujet à part entière, responsable de ses engagements : « on ne rencontre jamais des religions, mais toujours des êtres humains qui construisent leur compréhension de la religion de manière évolutive et complexe. » (p.32) Il est important alors de multiplier les espaces d’expériences partagés, seuls à même d’ouvrir le jeune sur la diversité des possibles, en se rappelant que l’adolescence n’est pas une période radicale, mais plutôt une époque de rébellion où l’on se cherche, en passant par diverses approches ou attaches remis successivement en cause.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°795 ■ 27/04/2006