Jésus était-il fou?
JOI Frédéric, éditions Max Milo, 2010, 216 p.
Le christianisme au risque de la psychanalyse, tel pourrait être le sous-titre de l’ouvrage de Frédéric Joi. La première partie de son travail est consacrée à une interprétation de la personnalité de Jésus, s’appuyant sur l’éclairage des connaissances contemporaines, en matière de folie. Il est vrai qu’on ne s’est jamais penché sur la santé mentale de cet homme qui, il y a 2.000 ans, prétendit être le « fils de Dieu », toute chose qui aujourd’hui justifierait un traitement psychiatrique. L’auteur détecte chez lui un ego surdimensionné, proche de la mégalomanie : toujours à parler de lui et à faire tourner le monde entier autour de sa personne, souvent à se vanter d’une surpuissance à déplacer les montagnes et à parler d’une manière énigmatique… La psychiatrie moderne caractérise ces traits de caractère comme de la schizophrénie. De ses manifestations d’agressivité, d’autoritarisme et de tyrannie que l’on trouve régulièrement dans un nouveau testament qui se plaît pourtant par ailleurs à rapporter sa douceur, son pacifisme et sa bienveillance, Fréderic Joi fait un lien avec le délire de persécution qui se manifeste, entre autre, par le sentiment d’être observé en permanence par son Dieu. Les spécialistes de la maladie psychique n’auront aucun mal à identifier là une forme de paranoïa. Face à l’intense énergie qu’il déploie pour mener à bien ses grandioses projets ou sa forte capacité à multiplier les déplacements, sillonnant son pays pour prêcher et apporter la bonne parole, on ne peut que faire le constat d’une sur activité. Ce, qu’en terme médical, on appelle l’hypersthénie. Au final, l’ensemble de ces symptômes, que l’auteur identifie à partir de citations précises des évangiles, permet de nous acheminer vers le diagnostic d’une psychose : organisation entêtée et centrée sur soi-même et opposition agressive tournée vers l’extérieur et ses lois. Cette démonstration est jusque là convaincante : Jésus était sans doute fou. Frédéric Joi se lance parallèlement dans une interprétation psychanalytique de la même problématique. Exercice particulièrement brillant appliquant avec dextérité les concepts analytiques à ce pauvre crucifié. On apprend donc que la propreté, la méticulosité, le perfectionnisme de Jésus étaient liés à son caractère fondamentalement sadique anal, que son sentiment d’éternité résultait d’une vaste mégaprojection du ça et qu’il avait un accès débridé à l’archétype du père. Quant à la parabole de celui qui voit la paille dans l’œil du voisin et pas la poutre dans le sien, il s’agit en fait de « l’œil-testicule comme source de paternité et la poutre-phallus comme moyen de l’acte sexuel » (p.142). Il est toujours cocasse de voir opposer ainsi la casuistique freudienne à la théologie chrétienne, en se demandant qui est la plus mystique. Ça y est, je me suis encore mis à dos les chrétiens et les psychanalystes !
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