Parents, enseignants, la guerre ouverte?

Sous la direction de Philippe BEAGUE, Chronique Sociale, 2007, 120 p.

Ce petit livre possède un bien curieux titre : il nous propose en effet une réflexion fort intéressante sur la parentalité, mais bien peu de contenu sur le rapport avec les enseignants … Peu importe, outre son contenu éditorial que nous allons évoquer, on y appréciera le DVD joint à l’ouvrage, qui comporte une étonnante conférence de Pie Tshibanda, psychologue et conteur africain (qui porte sur notre civilisation un regard distancié mais percutant), ainsi qu’un documentaire passionnant sur le travail de Marie-France Santoni-Borne, Principale hors norme du collège Pierre-Degeyter de Saint Denis. Mais, revenons au propos sur les parents. Le monde a changé, explique-t-on. L’époque où la parole de l’enfant n’avait pas droit de cité et où régnait le silence de l’ordre établi semble bien révolu. Pas de quoi le regretter. Sauf qu’avec cette époque dépassée, a aussi disparu la cohérence que partageaient alors les parents avec leurs pairs, ce sentiment d’appartenance, ce soutien du groupe qui se soudait autour d’un héritage de pensée. La sécurité qui pouvait en émerger s’est estompée, laissant la place à une incertitude et à un sentiment d’isolement qui semblent ne pouvoir être comblés que dans la recherche de la satisfaction immédiate. L’intolérance à la frustration et les comportements compulsifs apparaissent comme les seuls moyens de venir compenser cette profonde anxiété. Car, se retrouver seuls face à la responsabilité parentale n’est pas simple à vivre : il s’agit d’élaborer la sécurité de base de l’enfant, sa confiance en soi et en l’adulte, son regard sur la vie, son rapport aux autres, son bien-être émotionnel, son autonomie, son plaisir d’exister, le contrôle de ses pulsions, ainsi que son intériorisation de la loi, afin de lui permettre de devenir non seulement un adulte épanoui et équilibré, mais aussi de prendre sa place dans la société. De nombreux obstacles vont devoir être dépassés : « les jeunes parents se retrouvent face à un étranger dont ils doivent tout apprendre : les besoins vitaux, les codes d’expression, les réactions propres à sa personnalité, les appels de détresse… » (p.22) Il devient urgent de recréer une solidarité collective, permettant à chacun de trouver une personne compétente, formée à l’écoute et à la clinique des enfants, quand cela est nécessaire. Les professionnels peuvent tout particulièrement répondre à ce besoin, pas dans une logique de confiscation du pouvoir sur l’enfant, mais d’alliance éducative. Le savoir qui leur est attribué ne doit en rien obturer les compétences de tout parent mais au contraire les révéler. Faire émerger les capacités de chacun et le style qui lui appartient en propre est au cœur de la relation d’aide à la parentalité. Cela est d’autant plus vrai que l’on a à faire à des familles en situation de précarité. Les dynamiques d’exclusion ou de stigmatisation sociales portent gravement atteinte à l’estime et à la confiance en soi. Avoir été privé d’affection au cours d’une enfance difficile, ne pouvoir s’inspirer de modèles positifs, ni de références internes ne prédispose pas à la meilleure des prises en compte de l’enfant. Là, plus que jamais, sans doute, le soutien à apporter passe par la reconnaissance  et la valorisation parentale.

 

Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°853 ■ 20/09/2007