Le refus de l’école : six point de vue
BRANDIBAS Gilles, L’Harmattan, 2007, 262 p.
C’est une question récurrente depuis l’instauration de l’école obligatoire dans les pays développés : pourquoi un certain nombre de nos chères têtes blondes ne veulent-elles rien savoir du formidable monde dans lequel nous les invitons à entrer : le savoir ? Ils sont des millions d’enfants à attendre avec plaisir la rentrée des classes : pour retrouver les copains, pour tisser avec l’enseignant la relation privilégiée qu’ils ne trouvent pas à la maison, mais aussi, par curiosité et intérêt pour ce qu’ils vont apprendre. Mais quelles sont donc les raisons qui expliquent la réaction tout à fait inverse des élèves qui exècrent et rejettent l’école ? C’est à cette question que se consacre Gilles Brandibas, dans un écrit riche et savant. Conscient de la complexité de la problématique, l’auteur annonce d’emblée son intention de s’inscrire dans un registre multidimensionnel. S’il déploie brillamment un discours psychanalytique, il a bien garde de s’y enfermer. Le rejet de l’école ne peut se comprendre dans une dynamique de causalité linéaire, mais avant tout comme un processus dont il s’agit d’identifier les nombreux tenants et aboutissants. Le refus scolaire peut aller de la simple « école buissonnière » (manque d’assiduité), à la véritable phobie (blocage psychologique et physique), en passant par le manque d’appétence/initiative en classe ou l’opposition tranchée. Cette catégorisation n’est pas étanche, l’élève pouvant passer de l’une à l’autre de ces figures ou en cumuler tout ou partie. Parmi les multiples facteurs d’explication, il y a d’abord ce « non », comme organisateur psychique de la personnalité, dans le rapport tant aux apprentissages qu’au savoir ou à la loi. L’enfant ressent naturellement la nécessité de se frotter aux limites de ses parents pour s’assurer de la solidité, de la cohérence et de la continuité des bases sur lesquelles il s’appuie. Puis, vient la véritable anxiété. Il y a d’abord la peur face aux élèves (situation de violence, de racket) ou aux enseignants (quand ceux-ci humilient ou terrorisent). Il y a ensuite la peur de l’échec scolaire, quand l’enfant manque de confiance en lui ou possède un faible estime de soi, ne supportant pas les échecs. Il y a encore la peur de la séparation d’avec les figures d’attachement : crainte qu’il arrive quelque chose à ses parents pendant son absence ou que ceux-ci l’abandonnent. On trouve aussi le refus caractériel de toute autorité et de toute règle. Mais l’école peut tout autant faire émerger des conflits intra psychique anciens. Un certain nombre de critères permettent de mesurer l’adéquation de l’enfant à la réalité scolaire ou au contraire sa prise de distance : le degré d’attachement aux figures adultes que constituent les enseignants, d’intensité de la croyance aux valeurs et aux normes de l’école, d’implication dans la vie scolaire et enfin l’adaptation aux contraintes du quotidien. La compréhension de cette réalité ne peut faire l’économie d’un ratissage large dans les champs des sciences de l’éducation, de la systémie, de la psychologie du développement et du comportement, que de la psychologie sociale ou de la psychopathologie clinique.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°896 ■ 11/09/2008