Les aides spécialisées au bénéfice des élèves - Une mission de service public

Marie-Claude Mège- Courteix, 2000

La prise en charge des enfants et adolescents déficients concerne 300.000 élèves sur un total de 12,3 millions. Pendant longtemps, ils ont semblé ne pas pouvoir être scolarisés dans des conditions de droit commun. Cela commence en 1760, avec l’école de jeunes sourds crééé par l'Abbé de l'Epée, puis celle ouverte en 1784 par valentin Haüy pour les enfants aveugles. En 1909, la loi charge le ministère de l'Instruction Publique d'organiser un enseignement spécialisé, les maîtres recevant pour y enseigner une formation adaptée sanctionnée par le Certificat d'Aptitude à l'éducation des Enfants Arriérés (CAEA). En 1939, il n'y a que 240 classes de perfectionnement et pas plus d'une dizaine d'écoles autonomes dotées d'un internat. C'est à partir de 1945 que les structures spécialisées se développent, et ce, grâçe au financement de la sécurité sociale. Ce sont les associations de parents qui vont impulser le développement du secteur médico-social (l'UNAPEI se fédère en 1960). L'Education Nationale reste investie dans l'enseignement spécialisée, puisqu'aujourd'hui, 35.000 enseignants s'y consacrent. Mais au travers de la pédagogie spécifique qui est mise en oeuvre par des spécialistes, dans des lieux à part, c'est bien le jeune qui est désigné comme celui devant être rééduqué, l'école, elle, n'est pas tenue de changer. C'est au tournant des années 60, qu'apparaissent des mutations qui vont venir marquer fortement l'école. C'est d'abord le paradoxe qui veut que l'institution soit le lieu à la fois d'une véritable explosion en apparence démocratique (la quasi totalité d'une classe d'âge accède à un collège unique) et à la fois le lieu de sélection des élèves appelés à devenir de plus en plus performants et de plus en plus compétitifs. Dans le même temps, les sociologues dénoncent le caractère profondément inégalitaire de l'échec scolaire. L'école est mise sur la sellette comme étant responsable de l'aggravation des difficultés de certains élèves. Dans la foulée, sont dénoncés les effets pathogènes d'un diagnostic de débilité conçu comme état irreversible, figeant ainsi l'enfant dans une représentation dévalorisée de lui-même. Tout au contraire, les troubles doivent être pensés sur un mode dynamique qui mette en valeur l'originalité radicale de son organisation psychique, ce qui pousse à rechercher des formules diversifiées et souples d'accueil et de soins. C'est donc sous la pression, à la fois de la demande sociale, mais aussi des évolutions des représentations du handicap qu'on s'oriente aujourd'hui de plus en plus vers des dispositifs souples ouverts sur l'établissement scolaire ordinaire. La question reste néanmoins posée: comment maintenir les mesures préservatrices en évitant la stigmatisation, tout en se préservant le risque du destruction d'un système de protection qui a néanmoins fait ses preuves au nom de la non-discrimination ?

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°537 ■ 12/10/2000