Itinéraire découverte 2 - Espagne

Croisière trans-ibérique - Second bulletin d’information

Résumé de l’épisode précédent (voir Lien Social n°504). Anabelle Delfosse a conçu un projet fou : faire traverser à pied l’Espagne, du sud au nord, en neuf mois, un groupe d’une dizaine d’adolescent(e)s en grande difficulté, à raison de trois semaines de marche et une semaine dans un camp de base différent à chaque étape. Le jour du départ le 19 octobre, seuls quatre jeunes sont présents, suite à la décision de dernière minute du Conseil général de s’engager sur un financement de … 77 Francs par jour ! Décision est prise de partir néanmoins avec des jeunes placés directement par la PJJ. Très vite néanmoins, un certain nombre de contretemps vont amener une réorganisation complète du projet.

Cela a commencé par la grève des transports qui empêche le transfert du matériel, des chevaux et de tout le groupe au sud de la presqu’île ibérique : le risque est trop important que tout le monde soit bloqué à la frontière. Qu’à cela ne tienne : l’équipée commence néanmoins, et depuis Toulouse, prend la direction de Mirepoix/ Limoux. Perpignan est atteint fin novembre.

Cela a continué par la traversée du massif  des Cordières qui a confronté le groupe à un certain nombre de problèmes techniques. « Pour l’anecdote, raconte Anabelle Delfosse,  nous avons mis une heure un quart  pour passer un mètre cinquante de verglas sur la route, et malgré le raz le bol, il fallait passer et nous avons une fois encore fait une unité complice et efficace dans les moments difficiles. Et puis, quelques kilomètres plus loin nous avons enfin passé le col de Saint Louis et nous retrouvons un peu de chaleur dans le fenouillet. »

Mais, le froid a aussi provoqué chez certains jeunes présentant des difficultés toxicomaniaques des souffrances musculaires. Décision a alors été prise d’un repli sur Limoux dans un centre équestre ami, afin de laisser passer la période la plus dure de l’hiver. Les jeunes en ont notamment profité pour passer des diplômes d’équitation (galop 1, galop 2 & galop 3). Pendant trois mois, le groupe de jeunes va mûrir le projet de reprendre le voyage, qu’il va s’approprier. Et, le 1er mars, c’est un nouveau départ. Mais, cette fois-ci, le choix a été fait de monter les chevaux plutôt que de les utiliser comme animal de bât. Etapes prévues : Narbonne, Perpignan, direction la Catalogne. Destination : Barcelone, puis une boucle pour revenir vers la France où l’échéance du séjour est toujours fixée au 1 juin. Ces rebondissements sont au final des plus formateurs. Face aux problèmes posés, il a fallu réagir et s’adapter. L’imprévu provoque une déstabilisation, mais il y a toujours moyen de s’en sortir. La configuration adoptée ne suit pas exactement le projet initial ? L’important est de réussir à réagir et de se réorienter  avec des modalités qui pour être différentes, n’en gardent pas moins des aspects tout aussi constructifs et structurants pour les jeunes. Ecoutons plutôt Anabelle Delfosse dans son récit de ce qui se déroule au quotidien : « Plus les éléments sont difficiles, plus le ‘’moteur’’ des actions qui en découlent est motivant pour eux. Pousser les attelages lorsque les montées sont trop conséquentes, se lancer un challenge sur une journée avec un itinéraire particulier en kilométrage (nous avons fait des étapes de 18 à 20 kilomètres sans difficultés ou encore lorsque le temps est mauvais et qu’il faut faire tout et vite pour trouver un confort ’’ réconfortant et mérité ’’. Les moments les plus difficiles sont les arrêts, le relâchement de rythme et la réalisation de tâches moins ‘’intéressantes’’, les lessives, rangement des attelages et des tentes … C’est dans ces moments que nous rencontrons de réelles difficultés. D’autant qu’ils se retrouvent alors, dans un contexte qu’ils connaissent bien, car souvent à proximité de ville ou de gros bourgs. Les tentations reliées à chacun de leurs problèmes ressortent et il faut resituer les objectifs, de chacun redonner les limites et le cadre. Une des remarques principales souvent exposées par les jeunes, c’est le plaisir et l’étonnement des relations établies avec les gens que nous croisons. Les gens viennent les voir pour discuter de cette aventure, de leurs vies, de demain, de l’importance de vivre des expériences de ce genre… Ils sont fiers de leur cheval, fiers d’être dans la caravane. »

Le groupe de jeunes a changé depuis le début. Il se compose toujours de quatre adolescents, mais deux ont abandonné en cours de route et ont été remplacés par deux autres jeunes. Le premier est parti assez vite. Il n’avait pas de véritable motivation, n’avait pas vraiment adhéré au projet d’« Itinéraire Découverte », ni compris ce qu’il pouvait en attendre. Comme souvent, dans ces cas-là, ses actions et comportements mettaient en danger l’avancée de la caravane. Le second à être remplacé, l’a été début janvier. La confrontation à ce nouveau mode de vie a constitué un véritable choc amenant une prise de conscience chez lui, mais une orientation se précisait pour lui, qui ne pouvait attendre. Après plus de cinq mois de séjour, des changements sont dès à présent repérables chez les jeunes. Il y a d’abord cette meilleure appréhension et mesure dans l’approche de la vie quotidienne et de ses problèmes. En matière de socialisation ensuite, il y a une nette modification des relations inter-individuelles, notamment en ce qui concerne le respect de l’autre. La gestion des événements et des tentations que ceux-ci offrent est aussi plus saine. Enfin, ce qui saute aux yeux ou du moins aux oreilles, c’est le changement spectaculaire de langage et de vocabulaire, moins grossier, moins agressif. Ah, j’allais oublier. Quid des chevaux ? « Les animaux sont en pleine forme, et pour ceux qui nous avaient été confiés dans un état limite retrouvent un poil magnifique, des bonnes rondeurs et sont la fierté de leurs compagnons de voyage et soigneurs. »

Déjà l’association a reçu des dossiers de jeunes concernant le séjour de l’an prochain. Anabelle Delfosse nous a confirmé son désir de repartir (mais certainement plus tôt à l’automne 2000 que cela ne l’a été en 1999). Elle souhaite néanmoins prendre le temps nécessaire de se poser, en s’appuyant pour cela sur le recul nécessaire que pourront lui apporter ses partenaires (éducateurs référents et direction régionale et départementale de la PJJ) pour tirer les enseignements de cette première expédition.

Contacts : Itinéraire Découverte : 4 rue de la résistance 30660 Gallargues-Le-Montreux Tel. : 04 66 35 28 15

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°524  ■ 23/03/2000