Cheval et IMC - Daoulas (29)

L’utilisation thérapeutique des animaux

Stéphane est un jeune adulte de 23 ans atteint d’une infirmité Motrice Cérébrale. Il est arrivé au centre d’Education motrice des Pâquerettes il y a de cela 7 ans. Il bénéficie de l’amendement Créton en attendant de pouvoir passer dans un foyer de vie pour adultes. C’est finalement très récemment qu’il s’est mis à l’équitation. Il en convient, c’est plus par plaisir que par obligation thérapeutique. Pour le moment, il se tient dans la salle de préparation dans son fauteuil roulant, une coquille lui maintient le bassin et le haut des jambes. Consulté sur le cheval qu’il souhaite monter, c’est Saw qu’on va lui chercher. Tout un programme : Saw signifie en breton “ debout ”. Stéphane avance son fauteuil jusqu’au bord de la plate-forme qui s’ouvre en surplombant le manège. Deux aides vont alors le porter jusque sur la selle. La montée est d’abord hésitante, le jeune-homme mettant quelques instants à trouver son équilibre. L’accompagnateur reste à ses côtés pour le sécuriser et l’aider à se redresser. Puis, au son de la voix, Saw s’avance et franchit au pas le périmètre du manège. A chaque foulée, Stéphane ressent le mouvement de sa monture et doit réagir aux stimulations qui l’assaillent. Privé des appuis dorsaux et latéraux et confronté à la verticalisation, il ressent tout le poids de son corps. Mais, il ne faut pas que les tensions qui en résultent provoquent des douleurs. Dès qu’il a atteint les limites de la fatigabilité, il indique son désir de mettre un terme à la séance. Il regagnera alors son fauteuil.
 

L’équitation au cœur de l’établissement

Lorsqu’en 1983, Yves Morcel entre au Centre d’Education Motrice des Pâquerettes, ce kinésithérapeute de métier vient de suivre 2 ans de formation à la technique cheval et handicap. L’établissement voulant mettre à profit cette qualification décide alors de construire un manège et d’utiliser l’équithérapie comme outil majeur de la rééducation fonctionnelle qui entre pour beaucoup dans son action. Sur les 64 enfants et jeunes âgés de 6 à 20 ans pris en charge, la plupart est atteint d’Infirmité motrice cérébrale, les autres souffrant de traumas crâniens ou de spina-bifida. Une majorité  ne peut se déplacer qu’en fauteuil manuel ou électrique, quelques-uns uns marchant à l’aide de cannes ou de déambulateurs. Selon les années, c’est entre 45 et 55 % de l’effectif du Centre qui fréquente le manège. Au départ, il y a une prescription médicale. Mais la motivation du futur cavalier est aussi essentielle. Au-delà de 2 à 3 séances, si la tétanisation de l’enfant perdure, la pratique du cheval s’arrêtera. Il ne faut pas que le stress et l’angoisse viennent faire perdre tout le bénéfice recherché. Cela arrive toutefois rarement.
 

Un outil irremplaçable

Pour Yves Morcel, l’utilisation du cheval pour les personnes handicapées n’est guère différente que pour un cavalier valide. Pour l’un comme pour l’autre, la montée contraint à se tenir droit, les épaules en arrière, à placer son bassin, à être en équilibre, à avoir de l’assiette, à accorder mains et jambes, à être détendu prêt à agir ou à réagir, à percevoir les modifications des allures, les dénivelés du sol, à dépasser ses appréhensions, à se placer en situation dominante, à être soi-même enfin sans tricher … L’ensemble de ces perceptions physiques et psychologiques s ‘appuie sur un dialogue relationnel avec sa mouture. De la qualité de ces interactions va dépendre l’état de détente ou de stress, de bien-être ou de crainte. Mais, la situation de stabilité, une fois établie, ne l’est pas une bonne fois pour toutes. Au pas, le cheval crée au niveau de la colonne vertébrale un mouvement que le bassin doit compenser au rythme de 60 à 75 oscillations par minute ce qui d’ailleurs se rapproche du mécanisme de la marche. Les réponses musculaires-réflexes qui s’ensuivent provoquent un jeu de contractions/décontractions des muscles tout particulièrement intéressant pour le kinésithérapeute ou le psychomotricien qui cherche à favoriser l’ajustement tonique et l’apprentissage de la latéralisation.
 

Les conditions du succès

Après plus de 15 ans d’expérience, le manège des Pâquerettes a tiré le bilan de ce qui a pu faire le succès de la formule. Il y a d’abord un bâtiment construit avec l’aide des techniciens qui vont l’utiliser. L’accent a été mis sur l’accessibilité : tout est de plein pied pour permettre à un enfant en fauteuil roulant de venir chercher son cheval. Et puis, il y a une grande clarté qui donne beaucoup de lumière naturelle à un espace par ailleurs chaleureux et sécurisant. Il y a ensuite un choix de cheval approprié. On demande à l’animal d’avoir atteint un certain degré de maturité. Il faut qu’il soit calme, “ bien dans sa tête ” et ne s’effraye pas au moindre incident. Le cheval reste un animal-proie qui prend la fuite dès qu’une situation de stress se présente. Ici, ce sont des ballons, des cerceaux qui lui passent devant les yeux ou sur les oreilles au moment des exercices ou de jeux. Il ne faut pas qu’il démarre de façon intempestive. Pour autant, ce sont des chevaux de qualité, comme a pu s’en apercevoir un cavalier faisant partie d’un groupe de visiteurs qui a voulu essayer l’une de ces montures habituées à porter les jeunes du centre … et qui s’est trouvé en difficulté au milieu du manège ! Si tout cheval relevant de ces qualités minimums rappelées ici peut convenir, les poneys sont écartés du fait de leur marche plus saccadée et plus courte qui n’apporte pas les mêmes sensations. Troisième condition au succès de l’activité d’équithérapie : bien entendu la compétence des animateurs qui doivent connaître l’équitation mais aussi les modalités de son utilisation pour un public handicapé. Dernier aspect qui n’est pas le moindre : la motivation des cavaliers. La peur et l’appréhension doivent être dépassées. Ce qui est recherché, c’est bien au travers de l’équilibre physique, l’équilibre mental. Fatigue, froid, douleurs au niveau des adducteurs, de la pointe des fesses ou des bras peuvent perturber le plaisir : il est important d’y être attentif.
 

Que recherche l’équithérapie ?

Le cheval est et doit rester un support, un outil à un mieux-être et non pas un passage obligé et contraint par la souffrance ou l’inquiétude permanente. Il doit contribuer à diminuer le handicap et non l’aggraver. Un des principes essentiels est bien de ne jamais être à l’origine d’une situation d’échec. Il s’agit de permettre à la personne  atteinte d’un handicap de découvrir son corps et ses potentialités et de s’approprier les bénéfices d’une plus grande autonomie et d’une valorisation tant vis à vis d’elle-même que des autres. On peut répondre à tous ces objectifs en s’adaptant aux différentes intensités du handicap auxquelles correspondront des niveaux d’implication dans la pratique du cheval. Premier niveau, celui de la thérapie par le mouvement : le cavalier n’est pas responsable du déplacement et bénéficie d’une aide continue à ses côtés. Second niveau : le cavalier dépasse progressivement le niveau précédent et fait l’apprentissage de la gestion autonome de son équilibre et du déplacement. Troisième niveau : il devient possible de sortir du manège comme a pu le faire un groupe des Pâquerettes qui a vécu une randonnée de 5 jours à 20 kilomètres par jour dans les Monts d’Arrée. Chaque soir, le groupe hébergeait dans un gîte où il rencontrait parfois des cavaliers qu’il avait croisés sur la route et qui étaient étonnés de retrouver les jeunes en fauteuil roulant. Dernier niveau, celui de la participation à la compétition soit adaptée (de type handi-sport) soit ordinaire (à l’exemple de cette cavalière aveugle concourant à une épreuve de randonnée). Pour reprendre l’expression d’Yves Morcel : s’il s’agit bien de travailler à l’autonomie alors “ moins je fais, (plus ils font), plus ils sont ”.
 
Le support de l’équitation a été particulièrement investi par le Centre d’Education Motrice des Pâquerettes. C’est là, une illustration exemplaire de ce que l’on peut faire. Pour autant, cette expérience a peu essaimé et reste bien trop isolée. Puisse cet article contribuer à la faire connaître et encourager les établissements à innover à leur tour à propos d’un outil qui reste pour le moins extraordinaire et en tout cas incomparable.
 
 
Contact : Yves MORCEL, “ Le Manège ” association Les Pâquerettes Le Roual –Dirinon 29224 DAOULAS, Téléphone : 02-98-07-05-33

LIEN SOCIAL ■ n°421  ■ 04/12/1997