Handistars 2010 - Carentoir (56)

Comment dynamiser un atelier théâtre ou chant ?

Passer de spectateur à acteur est à la fois source d’anxiété et de renarcisisation. C’est ce que permet chaque année le festival Handistars aux artistes porteurs de handicaps. 
 
Le festival Handistars fêtera ces 2, 3 et 4 juillet 2010 sa dixième édition. Fréquenté par plus de 2.000 festivaliers en 2009, cet évènement regroupe toujours autant d’artistes en provenance de Foyer-ESAT, foyers de vie, Maisons d’Accueil Spécialisées, d’associations de loisirs adaptés, de Service d’Accompagnement à la Vie Sociale. Mais, les spectacles de chant, de danse, de musique, d’humour, de poésie, de théâtre qui se succèdent sur la scène et l’exposition artistique sous chapiteau ne constituent que la partie visible de l’iceberg. Car, pour arriver à cette production finale, c’est tout au long de l’année que les équipes se mobilisent et que les résidents se préparent. A l’image du foyer de vie Roger Legrand de Ploumagoar, dans les Côtes d’Armor, qui sera sur scène, pour la seconde fois.
 

Dynamiser le foyer de vie

Ouvert par l’APAJH 22, en 1986, cet établissement accueille, 365 jours sur 365 et 24 heures sur 24, 63 adultes âgés de 18 à 64 ans, présentant une déficience intellectuelle moyenne profonde, avec des handicaps associés (psychose ou problèmes de motricité). Certes, ces personnes ne sont pas ou plus en capacité d’exercer une activité professionnelle. Mais ce n’est pas pour cela, qu’elles ne bénéficient pas d’une autonomie suffisante leur permettant de suivre des animations culturelles et sportives. Bien, au contraire. Et quand Ghislaine Bré, prend le poste de direction, en septembre 2006, après 25 ans d’expérience comme éducatrice dans un IME, elle a bien l’intention de mettre à profit l’application des lois de 2002 et de 2005, pour impulser une nouvelle dynamique à l’établissement. Les valeurs de l’association employeuse, l’APAJH, qui mettent l’accent sur les notions de dignité, de respect, de citoyenneté ne peuvent que l’y encourager. « L’enjeu de l’accompagnement est essentiel, explique-t-elle. L’activité dans un foyer de vie adulte, ce n’est pas occuper les résidents pour leur faire passer le temps. C’est, pour moi, non pas leur faire faire, mais avant tout « faire pour être, c'est-à-dire être dans une logique citoyenne et de participation sociale. » Fort de ces convictions, elle met tout le personnel à contribution pour réfléchir à deux outils qui nécessiteront une année entière pour être élaborés : le projet d’accompagnement personnalisé (qui fixe des objectifs pour chaque résident, pour l’année), ainsi que le projet d’animation et de vie sociale (qui scande les activités de l’établissement).
 

Un emploi du temps chargé

Cette dynamisation produisit ses effets. Du côté des équipes, tout d’abord, en provoquant une remobilisation face à une déficience qui peut parfois entraîner routine et perte d’investissement. Du côté des résidents, ensuite, qui retrouvèrent du goût et du plaisir aux projets dans lesquels ils purent s’inscrire, en fonction de leur déficience. Le sens redonné à l’accompagnement se traduisit par une nouvelle répartition de la journée. La matinée est ainsi mis à profit, pour assurer un accompagnement individualisé : lever, petit déjeuner, toilette sont assurés au rythme de chacun. Ce peut être aussi l’occasion de se rendre en ville faire des achats ou retirer de l’argent à la banque où un compte a été ouvert pour chaque résident. « Quand bien même, ils n’ont pas la valeur de l’argent, cela ne les empêche pas de faire comme tout le monde » commente Ghislaine Bré. L’après-midi est conçu dans une dimension bien plus collective. Quatre pôles ont été créés. Un pôle nature qui profite des 5 hectares entourant l’établissement (entretien d’animaux ou d’un potager où chacun peut avoir sa parcelle). Un pôle créatif centré sur les activités manuelles et artistiques (cuisine, papier recyclé, poterie, collages, atelier théâtre, chant musicothérapie, chorale, …). Un pôle cognitif qui favorise l’entretien de la mémoire chez les résidents. Enfin, un pôle bien-être physique, psychique et moral : une salle de sport dans l’enceinte de l’établissement permet de travailler la motricité, mais aussi la relaxation et l’épanouissement individuel. Toutes ces animations sont parfois suivies de participation à l’extérieur de l’établissement.
 

En piste !

C’est dans le cadre de ce programme d’activités, que le festival Handistars est venu stimuler et mobiliser les animations. D’abord simple spectatrice des spectacles de Carentoir, l’équipe s’est décidée à franchir le pas en 2009, en s’engageant à passer sur scène. Marion Dubois et Marc Eveno vont mener, tout au long de l’année, un atelier théâtre en collaboration avec la compagnie du Chien bleu, Handistars leur donnant l’occasion de monter un spectacle final. En 2010, c’est au tour de Nathalie Le Cat de venir présenter une histoire de l’esclavage à travers la musique de Jazz, avec son groupe choral. Quelle que soit la forme de la représentation, c’est un travail patient qui est nécessaire pour concrétiser un tel projet. Se mouvoir dans un cadre précis, mémoriser les textes et les enchaînements, s’exposer au regard des autres, se projeter dans le temps, gérer ses moments d’angoisse … avec pour résultats un enrichissement de l’ouverture à l’autre, une progression dans l’intégration et la participation sociale, un mieux être personnel lié à la valorisation et la confiance en soi. Si Handistars est l’occasion d’une ouverture et d’un partage du plaisir, avoir la perspective de s’y produire est d’autant plus stimulant que les efforts de qualité et de persévérance trouvent là une concrétisation et un aboutissement.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°979 ■ 01/07/2010

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