Robert Mégel - Les Tournelles (77)

Les Tournelles : les masques tombent ! Ou quand le récit épique se termine en drame (Petite pièce en trois actes)

Le 12 septembre 1998, cela a fait un an que Robert Mégel, Directeur de l’Institut de Rééducation des Tournelles a été mis en examen. L’occasion pour le Journal du Droit des Jeunes de faire le point sur cette affaire qui éclabousse les milieux judiciaires et socio-éducatifs.

Acte 1 : “ Les Tournelles ”, côté jardin

Au premier abord, l’association des Tournelles se présente sous un jour des plus banal. Situé à 45 kilomètres au sud-est de Paris, cet Institut de Rééducation est installé dans une propriété boisée de quinze hectares. Il accueille cinquante garçons âgés de 7 à 17 ans présentant des troubles de la conduite et du comportement. L’établissement bénéficie d’un triple agrément : une habilitation du ministère de la justice, un agrément de l’aide sociale à l’enfance (dépendant du Conseil Général) et enfin un conventionnement avec la sécurité sociale. Les jeunes sont scolarisés tant en interne (du primaire au second cycle) qu’à l’extérieur (en Collège, Lycée, Lycée Professionnel ou Centre de Formation des Apprentis). Il sont répartis en trois groupes, selon l’âge et leur maturité. Leur temps est structuré en rythmes précis répartis entre les périodes scolaires, périodes d’activité culturelle et sportive, périodes de vie quotidienne. Les liens avec leur milieu naturel sont préservés au travers de week-ends et d’une partie des vacances passés en famille. Un conseil d’établissement composé de représentants des parents et du personnel se réunit trois fois par an.

Somme toute, voilà apparemment un établissement comme il en existe des centaines à travers tout le pays.

Pourtant, sa création n’est pas banale. L’association gestionnaire, fondée en 1956, ouvre un Institut Médico Educatif qui reçoit des enfants déficients intellectuels. Vingt ans après, de jeunes magistrats et de jeunes fonctionnaires entrent massivement au conseil d’administration. Après deux années de réflexion, le choix est fait d’une orientation nouvelle : se tourner vers un public pour lequel alors, peu de structures font d’efforts, les enfants caractériels d’intelligence égale ou supérieure à la moyenne, mais souffrant de troubles du comportement. En 1977, l’association acquière le domaine des Tournelles. En 1978, le Président du conseil d’administration prend les fonctions de direction. Le nouveau Directeur, Robert Mégel, n’est pas un inconnu. Instituteur à l’origine, il est en 1974, à la demande de Philippe Sauzay (alors chef de cabinet présidentiel de Valérie Giscard d’Estaing, aujourd’hui conseiller d’Etat), nommé “ chargé de mission ” au cabinet d’Hélène Dorlhac, secrétaire d’Etat à la Condition Pénitentiaire. Les principes de fonctionnement qu’il veut appliquer s’inspirent directement des convictions de Françoise Dolto qui contribue à former le personnel plusieurs années durant. Il édicte trois règles de base : ne jamais battre les enfants, ne rien leur cacher de ce qui les concerne, obliger les parents à être présents en compagnie de leur enfant à chaque séance de synthèse (temps au cours duquel chaque intervenant - institutrice, éducateur, infirmière, psychiatre, psychologue …- fait le point sur l’évolution du mineur). L’objectif est comme dans beaucoup d’établissement de cette sorte d’offrir un cadre structurant à des enfants et adolescents ayant justement souffert de l’absence de repères. Chaque règle édictée a une justification pédagogique : les bouquets de fleurs sur la table sont là pour éviter que les enfants ne se précipitent sur les plats, les éducateurs ne doivent pas embrasser les enfants parce qu’ils ne faut pas qu’ils se substituent aux parents, les enfants n’ont pas droit de coller des posters aux murs de leur chambre parce que l’institut n’est qu’un lieu de passage... Mais là où Robert Mégel apporte une grande originalité à son projet éducatif, c’est bien dans son intention de rééduquer par le luxe, utiliser les vertus pédagogiques du beau, proposer le meilleur, offrir aux enfants en difficulté une esthétique humanisante.  Le château des Tournelles datant du XIXème siècle est aménagé avec goût : murs laqués, parquets cirés, moquettes claires, lustres en bronze, cheminées en marbre, massives et vivantes. Aux grandes surfaces anonymes et insignifiantes des cités HLM, des supermarchés et collèges de banlieue, cadre habituel de vie des jeunes pensionnaires s’opposent ici des matériaux ne supportant ni dégradations, ni graffitis. L’enfant accueilli dans un tel cadre doit ressentir l’importance qu’on lui accorde : l’espace leur propose un premier temps de pansement à toutes les blessures sensorielles accumulées depuis leur naissance. Chaque instant de sa vie prend ainsi le sens d’une réhabilitation de l’existence. Ainsi, les fêtes de Noël sont l’occasion d’un traitement plein d’éclat : hélicoptère atterrissant au pied du château et débarquant un Père Noël chargé de cadeaux, goûter offert par trente ambassades différentes envoyant leur voiture officielle prendre les enfants, présentation dans le parc de 35 des plus belles voitures du monde (Ferrari, Testa Rossa, Aston Martin, Rolls, Porsch …) qui emmènent les jeunes en ballade, voyage à Cannes et séjour dans les plus riches hôtels de la croisette… Les séjours lors des vacances d’été ne sont pas mal non plus. Chaque année un voyage est proposé aux quatre coins du monde : Sénégal, Maroc, USA, Russie, Bulgarie, Canada, Tunisie, Mexique… Club Méditerranée, Air-France, ministère des armées sont sollicités pour participer et sponsoriser : l’action de relation publique du directeur fait merveille. En 1975, ce sera l’avion présidentiel de Valérie Giscard d’Estaing qui assurera le transport vers Dakkar. Et puis il y a cet atelier-vidéo équipé des matériels les plus sophistiqués et qui permet aux jeunes de se transformer en cinéastes et reporters qui vaudront des passages remarqués aux émissions télévisées “ 7/7 ”, “ Droit de réponse ” de Michel Polac ou encore radiophonique avec le “ Pop Club ” de José Arthur qui se déplace aux Tournelles. On ne compte plus les personnalités qui sont venues visiter et honorer l’établissement : Régine, Madame Mitterrand, le professeur Mathé, célèbre cancérologue à l’hôpital de Villejuif, Raïssa Gorbatchev, Eva Joly, le célèbre Juge d’Instruction pourfendeur de célébrités … Françoise Giroud, Joseph Joffo, Eric Orsena participent à des jurys littéraires.

“Tout ce bien-être pour de la graine de violence ” s’offusquent certains. Robert Mégel leur répond : “ nous combattons le misérabilisme. Nous vivons dans une société-vitrine, dans un monde merveilleux. Nos gosses doivent y accéder  ” Et Françoise Dolto de renchérir : “ ces garçons ont une intelligence écrabouillée par leur expérience. Ils remettent en question les habitudes sociales par un ’’Bof, à quoi ça sert ’’ A quoi ça sert de bouffer ? D’être propre ? D’être poli ? Ici, ils apprennent que le comportement  infantile et animal n’est pas de mise ” (L’Express du 18 mars 1983)

Au début des années 90, les Tournelles sont invitées à se plier aux nouvelles normes d’hébergement qui entrent en vigueur. Elles les contraignent soit à diminuer le nombre d’enfants accueillis ou à modifier les lieux (6 à 7 jeunes par chambres). Le choix est alors fait de construire dans le parc un nouveau bâtiment. Conformément aux principes de recherche du plus beau, c’est un architecte de renommée internationale qui est contacté. Philippe Starck accepte de travailler bénévolement à un projet faramineux : la construction d’un hôtel 4 étoiles. Une magnifique bâtisse s’élève bientôt sur 3 étages. Au rez-de-chaussée, un hall de marbre comportant une réception identique à tous les palaces où chacun peut accrocher sa clé. Quatre cadrans indiquent l’heure de Paris, Marrakech, New York et Tokyo. Aux premier et second étage 26 chambres conçues chacune pour deux adolescents avec salle d’eau, WC et télévision encastrée dans un meuble en acajou. Le mobilier est en bois d’okoumé. Il est identique à celui que Wilnotte a dessiné pour le cafétéria du Louvres. Un mur de chacune de ces pièces a été confié à un pays différent, sous la responsabilité de son ambassade afin d’être décoré à l’image de ce pays. Au dernier étage, un restaurant panoramique de 100 places. Coût de l’opération : 17 millions de Francs. La philosophie reste identique : les jeunes sont traités comme des clients dans un cadre raffiné où deux matériaux dominent (le bois et le marbre) ainsi que deux couleurs (acajou et vert). “ Les enfants devront apprendre à respecter ces matériaux nobles. L’initiation à l’esthétique, c’est l’une des règles d’éducation ” déclare Robert Mégel lors de l’inauguration du 7 décembre 1995. Mais le Directeur n’a pas l’intention de s’en arrêter là. A l’orée de la fin du siècle, un nouveau projet se fait jour : proposer un supermarché tenu par des délinquants.

On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de telles orientations et surtout sur leurs effets ultérieurs en matière d’insertion. Faire goûter ainsi à des jeunes en difficulté à un luxe qu’ils auront beaucoup de mal à retrouver à l’âge adulte est-il la bonne voie pour favoriser leur intégration ? N’est-ce pas là privilégier l’avoir sur l’être, favoriser le paraître sur la valeur et la richesse intérieure ?

Tous ces débats méritent d’avoir lieu. Mais, après tout, qui prétend savoir comment faire au mieux. N’est-ce pas à partir d’expérimentations marginales que les idées nouvelles finissent par s’imposer après avoir rencontré méfiance et hostilité ?

La polémique va très vite tourner court. Car, derrière les lambris et le faste surgissent subitement le glauque et le sordide.

 

Acte 2 : Les “ Tournelles ”, côté cour

Le 4 mars 1994, un appel parvient au Service Nationale d’Accueil Téléphonique sur l’Enfance Maltraitée concernant les Tournelles. L’écoutant note dans sa fiche de synthèse : “les enfants de ce foyer seraient aux prises avec la violence du personnel éducatif. Il semblerait que les enfants rentrent chez eux certains week-ends avec des marques des coups de la semaine. Des parents auraient pris contact avec le Directeur de l’institution sans obtenir d’explication. D’après l’appelant. cette situation dans le foyer ne serait pas récente. ”  Dans les années suivantes de tels appels se renouvellent. Mais, aucune intervention n’a lieu de la part des institutions de tutelle.

Jusqu’à ce 21 janvier 1997, date à laquelle, Michel Peisse, avocat et Président du Conseil d’Administration de l’association gérant l’institution rencontre Pascal Vivet, Chargé de mission auprès du département de Seine et Marne pour la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs. Il sollicite alors un avis autorisé sur des rumeurs qu’il croit infondées. Un journaliste l’a rencontré pour lui dire qu’il possédait un dossier complet concernant des violences sexuelles exercées dans l’établissement depuis des années par le Directeur Général de l’établissement, des administrateurs ainsi que par des adultes invités de marque. Une rencontre a lieu le 7 février entre le Chargé de mission et le Directeur des Tournelles et  le 19 mars, avec les 50 pensionnaires. A son retour, son avis n’est guère encourageant : Les Tournelles présentent plus d’un signe inquiétant  : un établissement se renfermant sur lui-même, ne permettant pas un échange sur les difficultés rencontrées, ne possédant pas de projet de service, un Directeur général à la fois très séducteur et autoritaire …

Puis, les événements se précipitent.

Le 19 mars 1997, le Secrétariat d’Etat à l’Action Humanitaire d’Urgence reçoit un courrier d’un certain “ Michel ” qui dénonce des actes d’agression sexuelle : “ j’ ai été tripoté par un vieux qui voulait que j’enlève mon slip et m’a demandé de lui toucher le sexe. J’ ai eu très peur mais j’ aurais été puni si je voulais pas et puis on me promettait des sous si je disais oui ou que je partirai en voyage ” Très vite un autre courrier suit adressé aux différentes autorités concernées qui confirme les attouchements et même des viols. Son auteur rajoute : “Je n’ose pas porter plainte car il sont très puissants et pourraient se venger si ils savaient d’ailleurs Robert nous a dit qu’il était à la justice et que rien ne lui faisait peur ” (voir encadré).

En Mai 1997, une première plainte est déposée par Jérôme âgée de 17 ans. Il affirme avoir été violé plusieurs fois, aux Tournelles par Robert Mégel entre 1993 et 1996. Une autre plainte est déposée pour attouchements. Une information est ouverte, début juin : le SRPJ de Versailles est saisi.

Le 10 août, le Conseil d’Administration démet de ses fonctions son Directeur Général. Celui-ci nie pourtant farouchement les faits. Depuis sa mise en examen, s’il ne fait pas mystère de son homosexualité, il dénonce une vengeance de ses anciens pensionnaires.

Le 12 septembre, Nadine Perrin, Juge d’Instruction chargée du dossier met en examen Robert Mégel pour viols et agressions sexuelles et ordonne son incarcération. Elle délivre une commission rogatoire afin d’interroger les 150 pensionnaires qui ont fréquenté l’établissement depuis 1994.

Le 17 septembre, soit cinq jours plus tard, la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Paris selon une procédure dite de “ référé-liberté ” décide la levée d’écrou de Robert Mégel.

Le 21 septembre, un comité de soutien à Robert Mégel est constitué, regroupant dès  le départ 47 familles. Il a appelé à centraliser le maximum de témoignages au profit de l’inculpé.

Aujourd’hui, la justice possède 800 pages de procès verbal, 15 témoignages de mineurs victimes d’abus sexuel (dont 6 affirment qu’ils étaient consentants, ce qui, selon les termes de la loi ne diminue en rien la responsabilité de leur abuseur). Maître Leclerc, Président de la Ligue des Droits de l’Homme est le défenseur officiel de Robert Mégel. Les “Comités Alexis Danant ”, “ L’enfant bleu ” et “ Enfance et partage ” se sont portés partie civile.

L’institution des Tournelles a perdu deux de ses trois agréments (Conseil Général, Ministère de la Justice). Elle a subi quatre inspections : Inspection générale des services judiciaires, URSAFF et inspection fiscale, Inspection générale de l’action sanitaire et sociale.

Depuis la démission de Robert Mégel, quatre plaintes ont à nouveau été déposées (entre septembre 1997 et juin 1998) pour des violences. Certains éducateurs ont du être licenciés.

Le rapport des ministères de la justice et des affaires sociales remis à la mi-août serait accablant. Philippe Sauzay, nouveau président du Conseil d’Administration affirme dans le Canard Enchaîné du 2 septembre : “ Le rapport contient 120 erreurs et a été conduit uniquement à charge sans interroger les nouveaux responsables de l’établissement nommés en février ”.

En septembre 1998, l’institution a rouvert ses portes. Le préfet Cyrille Schott a demandé officiellement le mardi 1er septembre devant le Conseil Départemental de l’Enfance la fermeture de l’établissement. Un délai de 6 mois aurait été donné au Conseil d’Administration pour négocier une reprise (l’association Jean Coxtet serait sur les rangs).

 

Acte 3 : Dérive individuelle ou institutionnelle ?

Face à une telle affaire, deux réactions sont à proscrire : le déni et la seule dénonciation individuelle.

Premier comportement possible : le scepticisme. C’est vrai qu’au premier abord, cela peut paraître incroyable. On peut être tenté par l’incrédulité et le soupçon. Comment, en effet, croire que de tels événements aient pu se dérouler sans que personne ne s’en doute ? Peu d’établissements en France ont été autant visités, étudiés. D’anciens pensionnaires témoignent : “ les portes de Robert étaient toujours ouvertes, rien n’a pu se passer sans qu’on le sache ” (La Vie 8/1/98).  On ne peut s’empêcher de penser aux réactions de ces mères de famille apprenant stupéfaites et sceptiques les agissements de leur mari ayant commis des violences sexuelles sur leur fille depuis des années ! … Ce qui va se passer alors aux Tournelles ressemble inévitablement aux prises de positions courantes au sein de certaines familles incestueuses : l’incrédulité de départ se transforme très vite en soutien inconditionnel. A l’image de la complaisance, de la complicité du parent non abuseur ou de la préférence nettement affichée pour la solidarité du couple, les personnels de l’établissement vont refuser d’y croire ou tenter de préserver l’institution des éclaboussures du scandale.
 
La seconde erreur consisterait à  tout focaliser sur une seule personnalité que l’on jugerait responsable de tout : ce qui a l’avantage d’éviter de poser les questions essentielles concernant la dérive institutionnelle. 
Car si un individu a pu adopter ce genre de comportement tant d’années en toute impunité, c’est justement parce que les contre-pouvoirs n’existaient pas, parce que les contrôles n’ont pas joué leur rôle, parce que, sans doute, des complicités à différents niveaux ont fait que certains n’ont pas voulu voir … ou ont profité eux aussi de ces violences sexuelles.
Ce type de problématique n’est pas nouvelle : elle a déjà été analysée. Elle constitue ce qu’on appelle des “violences institutionnelles ”.

Pour essayer de mieux comprendre, on peut se référer à l’ouvrage paru au Seuil en 1991 sous la plume de Pascal Vivet et Stanislas Tomkiewicz (“ Aimer mal, châtier bien ”) qui propose un profil-type des institutions à risque. Reprenons quelques uns des critères présentés et essayons de les appliquer aux Tournelles :

-   “Absence de personnel qualifié”
Richard Follet qui a travaillé aux Tournelles de 1995 à 1996 témoigne : “ La plupart des éducateurs avaient entre 18 et 21 ans et aucune expérience professionnelle derrière eux. ”
 
-  “Discours justificateur et banalisant les faits”
La ligne de défense de l’institution est au départ très claire : Jérôme, l’adolescent de 17 ans à l’origine de la première plainte, aurait été surpris par Robert Mégel alors qu’il était en train de voler 1.400F dans la caisse de l’association. Il aurait voulu de venger. Dans les jours qui suivent le dépôt de plainte, l’adolescent aurait été sommé de s’expliquer devant un conseil de discipline des Tournelles qui lui aurait demandé de revenir par écrit sur ses accusations. Comme preuve du peu de crédibilité du témoin, l’établissement fournit aux enquêteurs des rapports décrivant les difficultés d’ordre sexuel du jeune homme, documents qui seraient antérieurs au dépôt de la plainte. Une demande d’expertise judiciaire du disque dur de l’ordinateur sensé contenir ces rapports permettra de dénoncer la supercherie : ils ont en fait été saisis après le 5 mai date du départ de Jérôme de l’institution.

 

►     Pascal Vivet et Stanislas Tomkiewicz continuent leur réflexion en expliquant qu’il ne reste plus aux témoins qu’à s’opposer ouvertement, s’intégrer au système en place ou à quitter l’établissement sans faire de vagues. Ecoutons encore Richard Follet à propos des personnels : “Soit ils rentraient dans le moule Mégel, soit ils étaient mis à l’écart.” L’éducateur continue : “Robert Mégel possédait un appartement au-dessus des salles de cours. Certains soirs, il appelait trois ou quatre jeunes, toujours les mêmes. On ne connaissait pas le motif de leur présence chez Mégel. Mais, tout le monde s’en doutait sauf les parents qui n’étaient bien sûr pas au courant de ces visites nocturnes ”. Quand il pose des questions, on lui répond qu’il vaut mieux qu’il s’occupe des ses affaires.

 

Epilogue

Le système français de protection de l’enfance comporte des défauts, mais aussi beaucoup de qualités. Afin qu’il puisse agir dans un climat de confiance et de sérénité, il doit fonctionner en toute transparence. Les dérives doivent être traitées avec équité, mais sans complaisance. Il y va de sa crédibilité et de sa cohérence.

Certes, les professionnels socio-éducatifs ne peuvent à la fois se faire les champions de la défense des droits de l’enfant et en même temps tolérer qu’en leur sein des individus utilisent des adolescent(e)s comme autant de chair fraîche permettant d’assouvir leurs pulsions perverses. Mais, ils ne peuvent non plus faire l’économie d’un examen rigoureux des modes de fonctionnement institutionnels qui permettent à ce type d’ignominie d’avoir lieu.

 

Notre souci professionnel est de garantir le mieux-être des mineurs et de les protéger de toutes les maltraitances qui les menacent dans leur avenir et de les aider à devenir des adultes équilibrés et épanouis. Plus que tout autre, nous devons être en mesure de pouvoir faire le ménage chez nous et de présenter les meilleures garanties contre de tels traumatismes.

A la justice de faire son travail en éclairant cette affaire et en sanctionnant les coupables.

A notre profession de se montrer vigilante et responsable pour rendre de telles agressions les plus improbables possibles. A cette condition-là, les éducateurs de ce pays se sentiront mieux.

 

Jacques Trémintin – Journal du Droit des Jeunes ■ n°178 ■ oct 1998

 

Lettres
Nous reproduisons ci-dessous les lettres qui ont déclenché l’affaire.
Nous avons respecté l’orthographe initiale.

  “  Monsieur le ministre,

                        Je sais tout ce que vous faite pour les gens qui souffrent ils se trouve que j’ai été placé dans un centre éducatif en seine et marne à hautefeuille qui sapelle les tournelles celui qui commande c est robert Megelle il dit qu’il fait partie de la justice mais il en profite pour coucher ce qui se passe la bas il y a des dimanches ou certains jeunes sont retenus les plus gentils ou les plus mignons et j en est fait parti pour recevoir des personnalités avec qui y faut aitre très genti et se laisser faire il parais que maintenant on peut le dire je l’ai vu a la télé j’ai un copain qui y étais l’anné dernière qui me disait qui filmait dans la salle video pour samuser moi j ai été tripoté par un vieux qui voulait que jenlève mon slip et ma demander de lui toucher le sexe j ai eu tres peur mais j aurais été puni si je voulais pas et puis on me prometai des sous si je disais oui ou que je partirai en voyage c’est en voyant à la télé qu on pouvait se plaindre alors je le fait pour moi et pour ceux qui y son car j’habite maintenant pres de coulommiers et je sais que sa continue et puis je ne sais plus ou jen suis je ne sais pas si j’aime les hommes ou les femmes ma vie est foutu a cause de ces obsédés. Alors merci de faire quelques chose vengé moi.

Michel     ”


 “ J’ai envoyé le double à la gendarmerie et à la police faite quelque chose

                                   Monsieur,

                        J’ai beaucoup de mal a écrire cette lettre qui me rappelle ce que j’ai vécu avec douleur. J’ai été placé dans un centre éducatif de seine et marne “ les Tournelles ” sous la responsabilité de Mr Megelle nous étions consigné certains week-ends afin de recevoir des invités parfois tres connus c’est pendant ces jours la que nous étions obligé de faire plaisir au invités c’est a dire de les laisser nous toucher et voir plus certains de mes copains ont été violé mais si on se plaignai on etait puni et on nous menassait car les educateurs ne rigoler pas. Je m’aperçois maintenant que je suis parti que l’on peut se plaindre et qu’il n’ont pas le droit de faire cela et ion le voit a la télé merci pour ceux qui souffre de cela de faire quelque chose et de les empecher ca fait deux ans que je suis parti et je sais que ca continue à hautefeuille.

                        Merci pour les autres bien qui en a qui sont trop béte  ou trop agressifs qui ne sont pas retenu comme mon copain Pascal. Je n’ose pas porter plainte car il sont tres puissant et pourrait se venger si il savaient dailleurs Robert nous a dit qu’il etait à la justice et que rien ne lui faisait peur quand au educ ils sont trop bien payé pour s’en meler

                        Ils sont pedofiles ”