Lieu de vie au cœur du partenariat - l’expérience de la Maison Mondstupfer (26)

Il n’est par rare qu’un jeune placé en lieu de vie soit « oublié » par le service placeur qui ne sait plus quoi en faire. Sauf à ce que le travail de collaboration soit présenté comme première condition d’admission. A l’exemple de ce lieu d’accueil dans la Drôme.

S’il est un structure qui peut démontrer la souplesse, le dynamisme et la réactivité que permet un lieu de vie, c’est bien la Maison Mondstupfer. Quand Alain Guillet et sa compagne Odile Justafré quittent l’Alsace et acquièrent leur maison dans la Drôme, située à 60 kilomètres à l’est de Valence, ils ont pour projet l’ouverture d’un lieu d’accueil. Ils créent une association destinée à le gérer qu’ils appellent  du surnom donné aux habitants de la partie haute du village où il résidait : « Mondstupfer », ce qui, en alsacien signifie « ceux qui taquinent la lune ». Quel plus beau symbole pour désigner une maison destinée à accueillir des enfants et adultes différents ? Le couple ayant lui-même 4 enfants et le statut de lieu de vie les contraignant à accueillir au minimum 5 autre personnes, cela lui semble difficile à concrétiser. Un montage est alors élaboré avec Josiane Brocaud, pour créer une seule et même structure d’accueil répartie sur deux espaces différents : la maison Mondstupfer proprement dite et la maison Chante-Luce. Les deux unités de vie, distantes d’une dizaine de kilomètres, correspondent à la résidence respective du couple et de Josiane Brocaud. Ce projet est validé, en 2004, par le CROSMS (organisme qui a officiellement disparu le 1er avril 2010, avec la mise en place des Agences régionale de santé et qui, jusque là accordait les habilitations). Le lieu de vie est autorisé à recevoir dix personnes.

 

Un fonctionnement original

Mais l’intention des deux permanents n’est pas de remplir ces dix places. Ils font le choix de prendre en charge cinq jeunes en difficulté sociale et de laisser les cinq autres accueils possibles pour continuer à proposer des séjours, pendant les vacances, à des publics porteurs de handicap. Ainsi, un couple travaillant en CAT a pu régulièrement séjourner avec son fils de 8 ans, de même que cette maman elle aussi porteuse d’un handicap mental quelques semaines avec son enfant vivant en famille d’accueil le reste de l’année et pour qui un accompagnement médiatisé est préconisé. Tout le reste de l’année, les cinq jeunes accueillis pourront se répartir entre l’un ou l’autre des deux espaces ou tous dans le même, quand l’un des permanents a besoin de souffler. C’est donc la souplesse qui préside, dès le départ, au fonctionnement de ce lieu de vie. La prise en charge d’un adolescent particulièrement difficile va accentuer encore plus cette flexibilité, en imprimant à son activité une empreinte qui fait aujourd’hui sa spécificité et son originalité. Accueilli d’abord ponctuellement sur un week-end, de temps en temps, pour soulager sa famille d’accueil particulièrement épuisée par ses problèmes de comportement, ce jeune finit par séjourner sur des périodes de plus en plus longues, jusqu’à vivre un mi-temps dans sa famille d’accueil et l’autre mi-temps à la Maison Mondstupfer. Chaque unité de vie commença par être rémunérée pour son temps respectif de prise en charge. Jusqu’à ce que le Conseil général décide de verser un prix de journée global au lieu de vie, à charge pour lui de rémunérer la famille d’accueil.

 

Le chantier éducatif

L’accueil séquentiel venait d’être reconnu et validé. Ce créneau que venait d’expérimenter la Maison Mondstupfer fut encore renforcé par une activité de jour mise en place dans la même période : le chantier éducatif. Parmi les difficultés rencontrées par les jeunes en souffrance sociale, il y a l’épreuve que constitue l’entrée dans le monde du travail. Il leur faut faire preuve de ponctualité et de persévérance, écouter, comprendre et respecter les consignes, se présenter correctement vêtu… Un vrai défi à relever qui constitue à la fois un enjeu et un support de socialisation et d’insertion. Le lieu de vie leur propose un contrat d’engagement est signé avec le jeune. Encadré par un adulte, il réalise une tâche confiée par un donneur d’ordre qui peut être une mairie, un particulier ou une association. Cela va du débroussaillage des bords de la Drôme ou du réaménagement de chemins de randonnées à l’aménagement d’un jardin chez un particulier, en passant par le nettoyage d’un clocher ou d’un musée … « Si le jeune est fatigué il peut s’arrêter, mais alors s’arrête aussi le chronomètre de la paie. Il travaille 3 heures,  il sera payé  3 heures. Il fait une pause de 2 heures. Ces deux heures lui seront décomptées » explique Josiane Brocaud. On est là dans une intégration douce au monde du travail, mais c’est le principe de réalité qui s’impose. Ce dispositif n’étant pas limité aux seul public accueilli au lieu de vie, on imagine que cela a assez vite intéressé les services socio-éducatifs, toujours à l’affût de possibilité d’activité de jour. Des jeunes commencèrent à le fréquenter à la journée pour certains, sur la semaine pour d’autre. L’éloignement géographique de cette activité nécessita bientôt un besoin d’hébergement sur place.

 

Un travail en partenariat

Le lieu de vie se trouva ainsi au carrefour de deux dynamiques : l’accueil séquentiel d’adolescents pris en charge au sein du lieu de vie et l’hébergement ponctuel de jeunes engagés sur le chantier éducatif. Au début, si ce fonctionnement atypique a pu être perçu avec un peu de méfiance et d’incompréhension, les efforts de transparence et de communication déployés par les permanents permirent de mieux faire comprendre l’intérêt de la formule d’accueil proposée. Aujourd’hui, on ne téléphone plus à la Maison Mondstupfer seulement pour connaître une disponibilité de place, mais pour chercher une solution possible. Le lieu de vie joue un rôle d’interface entre les prescripteurs et son propre réseau de gîtes et de familles d’accueil relais. Un jeune ne supporte pas son internat scolaire et souhaite souffler une nuit dans la semaine ? Un parent est complètement épuisé par son adolescent et aimerait être relayé régulièrement sur un week-end ? Un accompagnement par un adulte ressource sur une journée serait pertinent, dans une problématique particulière ? Rien d’impossible d’emblée, du moment qu’on se met autour de la table, entre partenaires, et qu’on réfléchit ensemble sur le montage qui pourrait être élaboré en commun. De fait, de multiples institutions ont recours à ce dispositif souple et adaptable. Le Conseil général, avec ses différents services de placement dont la Maison des enfants (appellation locale du foyer départemental de l’enfance), mais aussi la Maison départementale des adolescents, la M.D.P.H., l’hôpital psychiatrique, la mission locale, des médecins même, etc …

 

Mode d’emploi

Aujourd’hui, la Maison Mondstupfer accueille cinq jeunes. Les deux premiers, bénéficiant d’un contrat jeune majeur, logent en appartement autonome. Ils sont accompagnés dans leur quotidien, mais aussi dans leur relation avec leur employeur. Le troisième alterne deux semaines sur le lieu de vie et une semaine dans sa famille d’accueil d’origine. Chacun y trouve son compte : les adultes qui peuvent souffler et l’adolescent qui, en changeant régulièrement de lieu d’hébergement, est confronté à des permanents plus disponibles. Le quatrième jeune fréquente le chantier éducatif une semaine sur deux. Il est hébergé dans le gîte géré par le lieu de vie ou dans un gîte voisin loué à cet effet. Enfin, le cinquième adolescent, accueilli en foyer d’urgence, a commencé à suivre le chantier et à être hébergé une journée, puis deux. La montée en charge est prudente et progressive. Josiane Brocaud l’explique clairement : la Maison Mondstupfer est prête à accueillir les situations les plus difficiles. Mais à une condition : qu’un travail partenarial soit mis en place d’emblée.

 

Contact : 04 75 21 29 73 / maison.mondstupfer@wanadoo.fr

 

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°980 ■ 08/07/2010