Embarquez-vous, avec Grand Largue

La navigation est un support fréquemment utilisé pour ses vertus éducatives et socialisatrices. A preuve, l’action menée chaque année, depuis plus de deux décennies,  par une association nantaise. Reportage.

Ils sont arrivés mutiques pour les uns, bougons et le regard fuyant. D’autres se sont montrés plus bavards, voire vantards, du genre qui sait déjà tout. Et puis, en un week-end, les voilà transformés, le sourire aux lèvres, montrant des signes de gentillesse et d’attachement. Que s’est-il donc passé ? Pas de miracle ici, ni de magie noire. Juste une rencontre de quelques heures passées sur un bateau qui leur a permis de partager une poignée de mètres carrés avec des marins passionnés par la mer. Ils sont, cette année, 315 jeunes dits en difficulté, accompagnés par 150 éducateurs et 300 skippers bénévoles, à naviguer sur 150 voiliers mis à disposition gracieusement par des plaisanciers. Bienvenue à l’opération Grand Largue qui en est, en 2010, à sa 22ème édition.
 
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Embarquer des jeunes de foyer

C’est en 1989, que Roger le Bohec, passionné de mer et éducateur au centre éducatif pour jeunes filles de Tréméac situé à Nantes, se lance dans l’organisation d’une navigation entre le port de Pornichet et l’île d’Hoëdic. Devant le succès de cette première expérimentation, l’opération est renouvelée l’année suivante. En 1991, l’association « Initiative grand largue » est créée. Eric Tabarly devient son parrain, n’hésitant pas à se déplacer avec son Pen Duick, pour soutenir une action que vont fréquenter dans les vingt années qui vont suivre près de 250 établissements. La plupart proviennent du grand ouest, même si certains d’entre eux n’hésitent pas à se déplacer de la région parisienne, d’Auvergne et même d’Alsace... A la mort du célèbre navigateur en 1998, c’est sa femme, Jacqueline Tabarly qui prendra le relais, s’attachant à poursuivre le soutien sans faille de celui qui proclamait la nécessité d’« embarquer des jeunes qui ont besoin d’espace ». Après 22 ans d’existence, Grand Largue a pris de l’ampleur, au point d’en arriver cette année à 8 week-ends s’étalant de début mai à la mi-juin. Chaque départ se fait d’un port différent tant de la façade atlantique (le plus au sud est celui de La Rochelle) que de la Manche (le plus au nord étant Saint Malo), et s’attache à gagner une île : Groix, Noirmoutier, Les Glénans, Yeu, Oléron. Trente bénévoles se mobilisent autour de l’organisation, de l’intendance et de la sécurité assurée par des vedettes de la Gendarmerie maritime, de la SNCM, parfois même des Douanes.
 

Grand largue : mode d’emploi

Tout débute sur le port d’embarquement le vendredi soir. Les jeunes et leurs éducateurs sont accueillis sur le port et très vite font connaissance avec les skippers qui les emmènent visiter leur bateau. Le groupe d’adolescent(e)s va ensuite monter à bord non seulement ses affaires, mais aussi l’avitaillement, ces provisions qui leur permettront de se nourrir pendant le week-end. Puis, c’est l’occasion d’un premier repas dans le carré, suivi d’une réunion d’information qui donne les dernières instructions pour la navigation du lendemain. Tout cela se fait rapidement,  accompagné parfois de chants de marin pour rendre cette étape incontournable de toutes les croisières, la plus convivial possible. Après une nuit passée à bord et un petit déjeuner consistant, la flottille d’une quinzaine de voiliers gagne dans la journée le port de destination. Pique nique du midi, baignade quand c’est possible, rallye portant sur des questions maritimes agrémentent la navigation qui est aussi l’occasion de faire vivre le quotidien d’un équipage : apprendre à faire un nœud marin, barrer le navire, participer aux manœuvres, virer de bord, naviguer au près, vent arrière et enfin l’allure idéale qui est aussi le nom de l’association : grand largue. Le samedi soir, c’est la fête : dîner, puis soirée dansante. Le dimanche, appareillage dans le sens inverse. Et puis, ce sont les séparations autour d’une collation qui est l’occasion de remettre à chaque jeune un diplôme de mousse complété par une appréciation personnelle, valorisant ce qu’il a montré tout au cours du week-end.
 
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Avant tout un support éducatif

Grand Largue est tout sauf un produit de consommation ou une croisière low cost, à destination des services éducatifs. Cette opération met en relation des jeunes dont la vie n’a pas toujours été facile avec des adultes dont l’autorité est légitimée par leur connaissance du bateau, de la navigation et de la mer. Ils vont pendant quelques heures être pris en compte par des skippers bienveillants qui les écoutent et leur consacrent du temps. La vie dans l’espace étroit du carré ou du pont force au respect de l’autre. Une attention particulière est faite à la composition de l’équipage : deux skippers, un éducateurs accompagnateur et trois jeunes : autant d’adultes que d’ados pour favoriser la rencontre et les échanges. « Ces opérations dépassent largement le cadre du loisir. Ce sont de véritables outils éducatifs de socialisation, d’intégration et de remobilisation pour les jeunes qui en bénéficient » témoigne Alain Louche, à la fois éducateur et vice-Président de l’association Grand largue. Chaque opération coûte 2.500 €. Ce budget est couvert à 25% par des subventions, un autre quart étant assuré grâce au partenariat. Reste la moitié, à charge des établissements participants pour un somme relativement modeste (150 € par week-end et 70 € d’adhésion). De quoi faire rêver beaucoup d’équipes éducatives : pourquoi ne pas essayer ?
 
 
Contact : Alain LOUCHE : 02.40.73.95.67    mail : louche.alain@free.fr  
www.grandlargue.org

 

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°976 ■ 10/06/2010