A la manière de... ou comment un foyer de vie se taille le portrait - Saint Pavace (72)

La créativité des équipes éducatives se déploie souvent à bas bruit, restant dans la confidentialité et l’entre-soi. Elle mérite pourtant bien mieux. A l’image du Foyer de vie de Saint Pavace.
L’Association d’Action et d’Insertion Sociale, plus connue sous le sigle ANAIS, est une institution qui a bien grandi. Créée en 1954, pour améliorer la qualité de vie des personnes porteuse de handicap mental, à une époque où bien peu s’en préoccupait, elle ouvre son premier IME dans l’Orne, en 1965. Près de 60 ans après, elle gère 80 structures diversifiées, réparties dans 13 départements, relevant toutes du secteur médico-social. L’un de ces établissements a été implanté tout récemment, en 2007, à Saint Pavace, à la périphérie du Mans, dans la Sarthe. Ce petit foyer de vie regroupe vingt adultes en internat et trois en accueil de jour. Quinze professionnels assurent le quotidien d’une maison qui pour apparaître dans un fonctionnement très familial, n’en fait pas moins preuve de son professionnalisme. Une structure d’accueil comme il en existe bien d’autres ? Certes, mais il y a ici un petit plus, qui mérite bien un coup de projecteur. L’équipe éducative fait feux de tout bois, pour proposer aux résidents un projet de vie faisant une large place à leur épanouissement et au développement des potentialités de chacun. C’est ainsi que fonctionnent, au sein même de la maison, des ateliers théâtre ou d’expression corporelle et artistique. Mais, l’équipe s’attache tout autant à participer à des évènements extérieurs, le groupe pouvant aussi bien aller assister à un festival qu’à une pièce de théâtre, à un spectacle de danse contemporaine qu’à un concert de Full Métal ou une exposition. Sans oublier l’intégration de certains résidents à des manifestations sportives. Et puis, il y a le rendez-vous hebdomadaire à « l’Arche de la nature », un parc consacré à l’eau, au bocage et à la forêt pour y assurer de menus travaux, l’occasion de rencontrer et de partager avec des jeunes adultes de deux IME. Au Foyer de vie de Saint Pavace, on a donc de quoi faire.


L’atelier photo

S’il est un rituel auquel personne ne déroge, c’est bien chaque lundi matin, la réunion entre les résidents et l’équipe, pour faire le point sur la vie commune et les projets en cours. « Ce sont les adultes accueillis qui ont trouvé la dénomination de cette instance qui leur donne la parole : ils l’ont appelé ’’ la minute des potes’’ » explique Grégoire Mayet, le Directeur. Lors d’une séance tenue début 2011, à la question posée par une éducatrice sur la façon d’agrémenter les murs du salon, un résident propose d’y placer des photos de stars. Un autre réplique, en disant que ce pourrait aussi être des photos de celles et de ceux qui habitent là. La discussion s’anime jusqu’à ce qu’une proposition de synthèse fuse : et si l’on prenait des photos des résidents posant à la manière des artistes du cinéma ou de la chanson qu’ils préfèrent ? L’idée est vite adoptée, à l’unanimité. L’équipe choisit une semaine pendant les vacances de février où traditionnellement on fait une pause par rapport aux activités suivies, tout au long de l’année. Chaque résident a trouvé son modèle : ce sera Gainsbourg pour Didier Lepineau, Charlie Chaplin pour Florent Gainier, Stan Laurel pour Julien Philippe (qu’il confond systématiquement, avec Benny Hill), Marylin Monroe pour Évelyne Benghanem, etc… Les voilà toutes et tous à rechercher sur internet les photos de leur idole. Il s’agit de saisir une posture, une ambiance, une expression … La maison possède un stock d’habits de théâtre. Chacun s’y approvisionne pour trouver le costume approprié et bricoler ce qui manque, aidé par l’ensemble du personnel qui se transforma pour l’occasion en couturiers, maquilleurs, coiffeurs et fournisseurs d’accessoires divers et variés. Et puis viennent les prises de vue. Une photo, puis deux, puis trois … on va aller jusqu’à une dizaine, par résident pour diversifier les angles de vue, les mises en scène, la façon de camper le personnage. Ce qui est privilégié c’est d’abord la qualité du cliché, mais c’est tout autant l’émotion qui émane des résidents. Pour des raisons esthétiques, le noir et blanc est préféré à la couleur. Cela va donner des résultats étonnants : 18 clichés d’une grande beauté qui mettent en scène les 23 résidents.

Du salon aux expos

Au premier abord, on pense à un travail de photographe professionnel. Mais non, ce sont des travailleurs sociaux, sans formation particulière dans l’art photographique, qui ont mené ce projet, de bout en bout. « Ce qui m’a beaucoup marqué pendant cet atelier, c’est l’authenticité et l’émotion manifestées par les résidents qui ont donné le maximum d’eux-mêmes, ce qui ressort très bien sur les photos » rapporte Pauline Margerie, Aide médico-psychologique. « Cela contribue à ce qu’ils aient une autre image d’eux-mêmes, mais aussi et à ce qu’ils donnent une autre image aux autres, ce qui est essentiel, pour leur bien-être » continue Valérie Pierron, éducatrice spécialisée. Bien sûr, les portraits ont été accrochés dans le salon. Dès lors, il n’y eut pas une seule personne franchissant la porte du foyer de vie, sans qu’elle soit entraînée par les résidents, pour venir admirer le mur de photos. Avec à chaque fois, les mêmes réactions : émotion et commentaires enthousiastes. Les retours des visiteurs ravis, au point de demander parfois à emmener un cliché avec eux, commencèrent à inciter l’équipe à imaginer sortir cette exposition du foyer. Et la collection de photos de se retrouver au festival « HanDi-moi oui » au mois de juin 2011 au Mans, dans les locaux du club d’athlétisme, au Théâtre « Chemin de traverse », à la mairie de Saint Pavace, à l’occasion des vœux du maire, et bientôt au siège d’ANAIS à Alençon !... Et ce fut le festival « HanDi-moi oui » au mois de juin 2011 au Mans, le club d’athlétisme, les vœux du maire de Saint Pavace, le siège d’ANAIS à Alençon... Une production destinée initialement à un usage interne est devenue un support pour valoriser l’image des personnes vivant en foyer de vie. Un habile moyen pour faire changer le regard des valides et pour transmettre l’émotion d’une même humanité partagée quel que soit le handicap des uns (autrement capables) et des autres (qui parfois ne savent pas bien regarder).

Contact : Foyer de vie ANAIS Tel. 02 43 81 10 78 / 06 73 40 27 58
Courriel : stpavace.fv.direction@anais.asso.fr
Site de l’association : www.anais.asso.fr

 

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Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°1051 ■ 23/02/2012