Les SDF ont aussi le droit à la retraite - Maison de la veille sociale (44)

Un SDF vieillissant admis en maison de retraite ? Une idée saugrenue pour les uns, séduisante pour les autres. Comment ce projet a-t-il pu devenir réalité ? Explications sur une expérience unique en France.
Nombre de personnes se rapprochant de l’âge de la retraite ou l’ayant dépassé restent à la rue ou se maintiennent dans les centres d’hébergement d’urgence ou dans les Centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), sans plus aucun projet de vie. Le constat est partout le même. Si l’on déplore encore trop souvent les « morts de la rue » qui parfois disparaissent jeunes, la population des sans domicile fixe a malgré tout bénéficié de l’allongement général de l’espérance de vie (à raison de trois mois par an, depuis 1950). Les études menées laissent apparaître une mortalité qui semble se stabiliser, une fois les 60/65 ans dépassés. Le plus dur serait d’y parvenir. Au-delà de cette limite d’âge, les personnes victimes d’exclusion peuvent vivre, relativement longtemps. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette longévité inconnue, il n’y a pas encore si longtemps. Ainsi, les Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS), le Revenu Social d’Activité, la Couverture Maladie Universelle ainsi que les Centres de jour qui accueillent ces personnes lorsque les hébergements ferment … sont autant de dispositifs qui ont contribué à freiner la dégradation de l’état de santé de ces populations, en leur permettant un accès au droit commun. Avec, pour conséquence heureuse, la multiplication de sans domicile fixe pour lesquels le secteur de l’insertion a accompli son travail … et qui n’ont plus rien à y faire, ayant retrouvé les codes de la vie sociale. En toute logique, ils devraient relever du secteur des personnes âgées, passant ainsi du giron de l’État à celui du Conseil général, deux instances qui, depuis la décentralisation se répartissent ces deux compétences distinctes, n’hésitant jamais à se renvoyer la responsabilité des charges financières induites.

Des SDF vieillissants

La charte signée en 1997 par la Fondation nationale de gérontologie et le ministère de l’emploi et de la solidarité proclame que « la vieillesse est une étape de l’existence pendant laquelle chacun doit pouvoir poursuivre son épanouissement ». Si cette affirmation est vraie pour l’ensemble des personnes âgées, elle l’est encore plus pour celles qui sont sans domicile fixe. La prise en compte, pour elles, de cette période de l’existence est d’autant plus importante qu’« atteindre le statut légal de retraité représente, pour certains sans abri un dernier espoir de réinsertion sociale » (Sophie Rouay-Lambert urbaniste et sociologue). Tous ces enjeux sont au cœur des réflexions des professionnels de l’insertion. A Nantes, une commission du Centre communal d’action sociale avait déjà réfléchi, dans les années 1990, à des solutions à apporter face à ce vieillissement. Confrontée au renforcement du problème, elle se reforme au milieu des années 2000. Une initiative va venir conforter cette réflexion. La Maison de la veille sociale 44 (voir encadré) a mis en place un observatoire social destiné à rendre visible des constantes que chacun pressent, sans pouvoir pour autant les objectiver. Il s’agit de produire des éléments statistiques pouvant être utilisés, ensuite, de manière opérationnelle. L’occasion lui est donnée de concrétiser cette ambition, en lançant une recherche sur les personnes sans domicile fixe vieillissantes. C’est ainsi que put être établi avec précision le nombre de personnes âgées de plus de 58 ans ayant contacté le numéro de téléphone pour les accueils d’urgence, le 115, au cours de l’année 2008. Il y en a au total 92, soit 69 hommes et 23 femmes. Les professionnels en étaient là de leurs réflexions, quand, en 2008, un appel à projet innovant fut lancé par le ministère des affaires sociales.

Préparer le terrain

La Maison de la veille sociale 44 déposa rapidement sa propre proposition. Celle-ci fut sélectionnée. Stéphane Bretaudeau, assistant de service social, est alors recruté comme chargé de mission, pour la mettre en oeuvre. La feuille de route qui lui fixée est tout à fait originale : créer une passerelle entre le secteur de l’urgence et de l’insertion d’un côté et celui des personnes âgées de l’autre, pour répondre à la problématique des personnes sans domicile fixe vieillissantes. Cette interface devait permettre de favoriser leur sortie du dispositif dédié à la lutte contre l’exclusion et leur orientation vers des places d’accueil dévolues au troisième âge. Une expérience unique en France avait été menée depuis 1999, à Marseille : l’ouverture d’une unité de vie pour les personnes vivant dans la rue, au sein même de la maison de retraite Saint Jean de Dieu. Tel ne va pas être le choix fait à Nantes. L’idée retenue sera, au contraire, de solliciter des structures de droit commun : les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendante (EHPAD). On peut imaginer la réaction d’un directeur de maison de retraite, quand on lui propose l’entrée d’un SDF, dans son établissement. De quoi laisser libre court à tous les fantasmes (agression contre les personnes âgées, vol de nourriture, alcoolisation, oppositions de la part du personnel etc …). La représentation commune du monde de la rue n’a rien de très positive. Et la réalité n’est pas là pour la contredire : un esprit et un corps souvent usés par le couple maudit de l’alcool et du tabac, une addiction à la vie sur le trottoir, une errance combinée à une difficulté à se stabiliser... Quand on connaît les difficultés inhérentes aux efforts pour se sortir de cet engrenage, quand on a entre 20 et 40 ans, l’on mesure aisément le poids que représentent des décennies de ce style de vie.

La mission interface

Stéphane Bretaudeau commença par engager une large campagne de communication. Il se tourna d’abord vers les têtes de réseau qui fédèrent les maisons de retraite : la FNADEPA (Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'établissements et services pour Personnes Agées), l’URIOPSS (Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), mais aussi les lieux de coordination comme le CLIC (Centre Local d’information et de coordination), ou le CODERPA (Comité départemental des retraités et personnes âgées). Mais, il prit aussi son « bâton de pèlerin », pour aller à la rencontre des établissements du secteur associatif (les seuls prêts à s’engager à admettre un résident insolvable, au titre de l’aide sociale) et des CCAS des communes de rattachement. En 2009 et 2010, il en aura contacté 109 et aura rendu visite à 79 d’entre eux. En deux ans, une centaine de maisons donneront un accord de principe. Ce ne fut pas simple : « lorsque je présentais l’objet de ma démarche, certains commençaient par croire à un canular », explique-t-il. C’est la qualité de la proposition qu’il venait leur faire qui assura le succès de sa démarche : accepter dans son établissement une personne sans domicile fixe de plus de 58 ans et bénéficier du suivi, par la Mission interface, du nouvel arrivant sur une période minimale de trois mois. Stéphane Bretaudeau garantissait une présence réactive, se concrétisant par deux visites par semaine le premier mois, une par semaine le second mois et une tous les quinze jours, le troisième… ainsi qu’une intervention immédiate, en cas de gros problème. Il ne s’agissait donc pas de déposer la personne et de la laisser ensuite se débrouiller seule dans son nouvel environnement, mais bien de préparer son admission en accompagnant l’installation de ce résident atypique et en assurant la préparation et al formation du personnel de l’établissement.

Comment cela se passe ?

Pour chaque intégration dans un EHPAD, la Mission interface cherche avant tout à faire du sur mesure, en individualisant les modalités d’accueil. Cela commence par l’élaboration, avec la personne, de son projet de vie, en collaboration étroite avec l’équipe du CHRS où elle vit. Souhaite-t-elle vivre en ville, à la campagne, sur le bord de la mer ? Puis, viennent des visites dans une ou dans plusieurs maisons de retraite. La convention passée avec ces établissements ne prévoit aucun critère de sélection, mis à part l’âge (58 ans minimum) et une intégration préalablement réussie. Il n’est pas possible de passer directement de la rue à une maison de retraite. Il faut avoir connu une période de stabilisation. Certaines personnes ont pu aussi venir du dispositif « lit halte soin santé »1, leurs ennuis de santé et leur hospitalisation leur ayant permis de mûrir le projet de maison de retraite. En l’espace de deux ans, le rythme d’admission qui avait été envisagé a été respecté, soit une entrée en EHPAD, chaque mois : 24 établissements ont accueilli 24 personnes sans domicile fixe et ont signé 24 conventions avec la Mission interface de la Maison de la veille sociale 44. Dès qu’une place se libère, chaque Directeur a accepté de faire une proposition d’admission, en renonçant à l’inscription préalable sur une liste d’attente. La Mission s’est engagé, de son côté, à réagir dans les 24 heures et à assurer la logistique : constitution du dossier d’admission, demande de financement à l’aide sociale, équipement du studio en meubles, accompagnement de la personne dans son nouveau lieu de vie…

1-Les Lits Halte Soins Santé ont été créés en 2005, comme substitut de domicile, pour prévenir ou prolonger l’hospitalisation, en offrant un hébergement, des soins médicaux et para-médicaux, un suivi thérapeutique et un accompagnement social à des personnes vivant à la rue.

 

Une expérience positive

Certains professionnels travaillant dans les maisons de retraite ont exprimé leurs réticences, évoquant les problèmes auxquels ils craignaient d’être confrontés. C’est vrai qu’il y avait potentiellement bien des paradoxes à gérer. Les personnes sans domicile fixe sont surtout des hommes, alors que les résidents sont pour la plupart des femmes. Les personnes sans domicile fixe ont en moyenne plus de 60 ans, alors que les résidents entrent en établissement entre 80 et 85 ans. Les personnes sans domicile fixe ont eu un parcours souvent chaotique marqué par la spirale infernale de l’exclusion, alors que les résidents ont, pour la plupart, connu une vie stable et équilibrée. Très vite, les appréhensions initiales sont tombées. D’abord, parce que l’immersion d’une seule personne sans domicile fixe dans une communauté de plusieurs dizaines de résidents évite la cristallisation de dérives qui se retrouveraient plus facilement, si c’était un groupe de SDF qui entrait. Ensuite, parce que la présence d’un homme, qui plus est plus jeune de 20 ans que la plupart des résidents (même si la vie dans la rue peut provoquer des pathologies rapprochant des personnes âgées de 60 ans de celles en ayant 80), n’est pas sans apporter un certain dynamisme. Enfin, parce que les personnels des maisons de retraite ont un vrai savoir faire et une certaine habitude de la gestion de personnalités difficiles chez leurs résidents. La vulnérabilité sociale et l’addictologie à l’alcool existent aussi dans les campagnes ou dans les quartiers pauvres des villes. Les personnes qui en souffrent, arrivent elles aussi en maison de retraite, quand elles vieillissent. Et puis, il y a eu cet accompagnement de la Mission interface qui a été particulièrement précieux et apprécié, pour aider les personnels à intégrer le mode de fonctionnement d’un public qu’ils ne connaissaient pas vraiment. Une vraie mutualisation s’est opérée, la mission interface apportant sa connaissance du monde la rue et les personnels des EHPAD ses compétences sur le troisième et le quatrième âge.

 

Vers une pérennisation ?

Au-delà des trois mois de suivi prévu dans sa convention, la Maison de la veille sociale 44 a poursuivi son intervention, assurant la continuité de sa présence tant auprès de la personne accueillie que du personnel de la maison de retraite, quand la situation l’exigeait. Cette assiduité a permis d’abaisser le seuil de tolérance de certaines équipes, à l’image de ce vieux Monsieur qui s’absente des matinées entières, ne prenant son plateau repas du midi que vers 15h00, quand il rentre du squat voisin, où il va traîner pour garder le contact avec son style de vie passé. Mais, cela ne dérange personne et son besoin d’aller « prendre l’air » est respecté. Mais, la Mission Interface n'a pas pour vocation d'installer dans la durée son accompagnement social. L’intégration de ces nouveaux retraités dans le droit commun doit permettre aux assistantes sociales de secteur du Conseil général et aux CCAS locaux de prendre le relais. Parallèlement, des négociations ont été engagées avec des associations caritatives, afin d’envisager des visites régulières de bénévoles auprès des personnes insérées dans leur nouvelle maison de retraite et ainsi d’éviter leur isolement. L’association « L’écoute de la rue » a répondu favorablement à cette demande, plusieurs de ses membres se rendant régulièrement dans différents EHPAD, au rythme de deux fois par mois. Le poste de chargé de mission a été pérennisé par la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (héritière avec l’Agence Régionale de Santé des anciennes DRASS et DDASS). Stéphane Bretaudeau a quitté cette fonction, tout comme Michelle Garry, la Directrice, l’un et l’autre ayant décidé de voguer vers d’autres rivages. Mais le relais a été assuré.

 

Crise de croissance

Dix nouvelles personnes sans domicile fixe ont intégré des maisons de retraite, en 2011. Sur les 90 bénéficiaires potentiels identifiés en 2008, tous ne se retrouveront pas forcément en EHPAD, parce que ce projet ne correspond pas toujours à leurs attentes. L’équipe de la Maison de la veille sociale 44 a donc gagné le pari qu’elle s’était lancée. Les partenaires ont réagi avec beaucoup de réactivité. En trois ans, près de 35 personnes sans domicile fixe vieillissantes ont trouvé le havre de paix auquel elles aspiraient, légitimement. L’expérience a démontré son efficacité et sa pertinence. Pourtant, elle reste isolée, l’État ne semblant pas pressé de la généraliser. Sollicitée pour expliquer cette situation paradoxale, Michelle Garry a sa petite idée : « tous les efforts financiers sont actuellement concentrés sur le plan Alzheimer. Les familles des personnes âgées souffrant de cette maladie se sont mobilisées pour obtenir ces dotations. Et c’est sans doute très bien pour elles. Mais, les personnes sans domicile fixe vieillissantes ne disposent pas des mêmes moyens de pression. En outre, les Conseils généraux ne sont peut-être pas prêts à accepter ce nouveau transfert de charge… ». Mais ont peut, tout autant, évoquer les projets d’annexes pour résidents vieillissants que se proposent de créer certains CHRS, piste au demeurant tout autant légitime. Sans oublier, la perte d’un public particulièrement stabilisé qui, s’il devait partir en maison de retraite, serait remplacé par une population bien plus en crise, ce qui n’est pas fait pour rassurer les équipes, parfois soumises à dure épreuve. Si l’on devait démontrer, une fois de plus, cette malédiction française voulant qu’une expérimentation puisse rester isolée et confidentielle, malgré son plein succès, voilà qui est fait. Sauf, qu’à présent, les lecteurs de Lien Social n’ignoreront plus rien de ce dispositif.


 « Nous avons fait le choix de ne pas informer les résidents »
Anne Faucheux est animatrice au sein de la Résidence La Roche Maillard, à Vigneux de Bretagne. Elle le reconnaît, la proposition formulée par la Mission interface les a, au départ, un peu surpris et déstabilisés. Les incertitudes engendrées par ce projet étaient grandes, puisque la maison n’avait jamais été confrontée à une telle admission. Le choix a été fait de ne pas en informer préalablement les résidents. L’arrivée de la personne a été banalisée. Jusqu’au jour où un visiteur, lui-même bénévole dans une association caritative, l’a reconnue. La décision a alors été prise d’apporter un minimum d’informations, afin d’éviter les rumeurs et autres racontars. Les participants au cercle de belote auquel ce Monsieur s’était joint peu après son arrivée, ont été reçus pour répondre aux questions qu’ils pouvaient avoir. Tout s’est bien passé. Des interrogations ont aussi traversé le personnel sur la différence d’âge avec les autres résidents ou sur les éventuels risques de dérapage liés à l’alcool, quand un apéritif est offert, par exemple. Mais la mission interface a contribué à calmer les appréhensions. Elle a su assurer une présence rassurante et accompagner les réactions des professionnels de la maison, tant dans leurs inquiétudes que dans leurs ressentis. « C’est du très bon travail » conclue Anne Faucheux, même si personne n’est à l’abri d’un dérapage.


La Maison de la veille sociale 44
La Mission interface n’aurait pu voir le jour, sans l’émergence d’une nouvelle culture qui constituera, à l'avenir, l’un des axes essentiels de l’action sociale : le travail en réseau. Mutualisation des moyens, articulation entre partenaires, gestion pluridisciplinaire des situations les plus complexes etc… cette approche n’a que des avantages et bien peu d’inconvénients. Sauf, peut-être, celui de heurter les préséances, les pré carrés et les enjeux de pouvoir entre institutions, hiérarchies et équipes professionnelles qui doivent renoncer à une partie de leurs prérogatives, pour faire vivre le travail en commun. Cela est vrai dans le secteur du médico-social, comme dans celui de la protection de l’enfance, dans le secteur de la justice comme dans celui de l’insertion. Ce qui s’est déroulé à Nantes, depuis bientôt quinze ans, constitue, en la matière, une réussite tout à fait exemplaire. Dans le prolongement de la loi contre les exclusions de 1998, un inspecteur de la DDASS prit l’initiative de regrouper une dizaine d’associations de Loire Atlantique agissant dans le domaine de l’insertion (1). La réflexion commune déboucha sur la création d’une association, dont les seuls membres seront les personnes morales fondatrices, et qui ne va cesser, dans les années qui vont suivre, de s’enrichir pour tenter d’offrir une réponse toujours plus réactive et adaptée aux demandes des personnes sans domicile fixe. Le 14 décembre 1998, la Coordination Accueil Orientation est donc créée. Elle propose un guichet unique, à la fois lieu d’informations et espace d’accès au dispositif d’urgence sociale. Le fonctionnement est assuré par du personnel dédié, mais aussi par une mise à disposition de temps de travail de travailleurs sociaux appartenant aux associations membres, ainsi qu'au CCAS de Nantes. Elle gère les accueils physiques et le 115, travaillant en étroite liaison avec le SAMU social régi par l’association Fransisco Ferrer. En 2003, le C.A.O. fusionne avec le Samu Social et devient Veille sociale 44. Le nouveau Conseil d’administration mandate la directrice Michelle GARRY, pour mettre en place une organisation partenariale offrant une véritable plate-forme d’accueil, d’évaluation et d’orientation, qui centralise la gestion et l’attribution des places d’hébergement d’urgence. Parallèlement, un observatoire social est instauré qui doit produire des données chiffrées et commentées concernant les sans abri et leurs besoins dont les partenaires se saisissent pour améliorer leur action. Un zoom sera réalisé, un temps, sur les SDF vieillissants. Cette plateforme recouvre, avant l’heure, les attributions du Système intégré de l'accueil et de l'orientation, que l’État instaure dans chaque département à compter du 12 juillet 2010, et qui vise à simplifier les démarches d’accès à l’hébergement et au logement, à traiter avec équité les demandes et à coordonner les différents acteurs. C’est donc, très naturellement, que La veille sociale 44 est sollicitée pour incarner le SIAO, en Loire Atlantique. Intégrant cette nouvelle attribution, elle devient, en 2010, la Maison de la veille sociale 44. L’histoire pourrait s’en arrêter là, sur un registre positif. Mais dans le monde des associations, rien n’est aussi simple. La Maison de la Veille sociale 44 a été confrontée, ces derniers mois, à de multiples turbulences. L'appel tout d'abord au boycott des SIAO lancé par la FNARS, pour protester contre la réduction drastique des moyens alloués au secteur, par l'Etat. Les réticences des directions des différentes structures ensuite, méfiant de se voir confisquer le pouvoir d’admission que le SIAO s’arroge, dorénavant. Les changements de personnels dans sa direction, enfin. La pérennisation de la Mission interface s'en trouvera-t-elle menacée ? Seul l'avenir pourra le dire.
1) Ce sont les associations ANFJT-Cap Jeunes, Anef, Fransisco Ferrer, Arc en ciel, L’Étape, La halte Canclaux, Les eaux vives, Le Gué, Saint Benoît Labre, SOS femmes et Trajet.

 
« Brasser les populations constitue une richesse »
Antoine Humeau est directeur, depuis 11 ans, de l’EHPAD « Les Églantines » à Frossay. Lorsqu’il reçoit la visite de Stéphane Bretaudeau, celui-ci a la surprise de retrouver l’une des personnes inscrites sur la liste des demandeurs potentiels. Antoine Humeau venait de l’admettre dans son établissement, quelques semaines auparavant. Il faut dire que ce Directeur ne cesse de monter des projets pour diversifier les modalités d’accueil du troisième et quatrième âge. Il a notamment créé des micro structures entre le tout domicile et le tout établissement, réfléchissant à un système de béguinage qui permettrait d’aménager des appartements d’accueil au coeur de logements sociaux, le voisinage se chargeant d’assurer la protection bienveillante d’une population vieillissante encore autonome. Ce que lui propose la mission interface l’enthousiaste aussitôt et il signe une convention pour la personne qu’il vient d’accueillir. Le soutien qui lui est proposé sera bienvenu pour un Monsieur qui peut parfois faire peur, avec sa grosse barbe et sa déambulation dans les rues du bourg, sans compter ses accès ponctuels d’alcoolisation. Seul regret exprimé, celui de voir le suivi s’estomper dans le temps : il est important pour les résidents de continuer à recevoir des visites, sans lesquelles ils n’ont pas vraiment l’impression d’exister pour quelqu’un. Depuis, Antoine Humeau a accepté deux autres personnes sans domicile fixe, estimant que trois sur un total de 67 résidents, c’est la bonne proportion. L’accueil a été bienveillant chez des pensionnaires qui, venant de la campagne, se montrent pour la plupart très tolérants. Le personnel a aussi été associé à ce projet, son accord préalable étant toujours un préalable à la concrétisation des projets proposés. Finalement, rien que de très normal pour cet ancien architecte devenu Directeur que d’accueillir des retraités sans toit !

   

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°1055 ■ 22/03/2012