Illera Anne-Marie - Livret d'accueil

Quelles sont les conditions qui selon vous, ont présidé au succès de cette opération?

Anne-Marie ILLERA: La première condition est, je crois, la confiance dont j’ai bénéficié: on m’a laissé carte blanche. En tant que chef de projet, j’ai été mandatée pour accomplir ce travail et j’ai pris bien soin de rendre compte régulièrement, à mon directeur, de tout ce qui était mis en œuvre. J’ai dépensé beaucoup d’énergie sur ces deux années. Mais le résultat obtenu justifie cet important investissement. La seconde condition de ce succès, c’est la pleine liberté dans laquelle nous avons pu agir. On ne nous a fixé aucune contrainte de temps, d’échéances, de rythme de travail ou de coût financier. Cela a permis à chacun de développer toute sa créativité. Troisième condition qui me semble essentielle, c’est la totale transparence dans laquelle ce travail a été mené et l’aller-retour permanent assuré entre le groupe de travail et toutes celles et tous ceux qui l’entouraient : on a travaillé en osmose avec les enfants, les établissements et les familles d’accueil. Mais, je voudrais insister sur un dernier point qui me tient à cœur : le plaisir que nous avons mis à travailler ensemble. Je sais que ce n’est guère académique d’évoquer cette dimension, pourtant essentielle à mes yeux, de satisfaction dans le travail social. Mais je crois que tous les membres du groupe gardent un souvenir extrêmement agréable de ce temps de travail que nous avons partagé pendant 18  mois au rythme de deux réunions par mois. Cela a constitué un espace de parole, d’échange et de partage dont on ne peut que regretter la disparition aujourd’hui. Cela n’a fait que confirmer la conviction que j’ai sur l’ASE : il faut arrêter de s’enfermer dans le misérabilisme. Même si nous côtoyons des situations terribles, il s’y passe aussi des choses superbes. Les enfants, les parents et les professionnels ne sont pas que des victimes. Ils sont aussi, tous, être des personnes formidables, pleines de ressources.

 

Etes-vous satisfaite du résultat?

Anne-Marie ILLERA: Nous avons eu un excellent accueil de la part tant des enfants à qui nous avons remis le livret que des familles d’accueil, des lieux de vie ou des établissements. Je crois qu’ils étaient en attente. Nous n’avions pas le droit de les décevoir. Nous avons été célébrés au niveau national avec le « coup de cœur » du jury des prix territoriaux (organisé par la Gazette des Communes et la GMF) qui nous a été remis le 21 novembre 2006 des mains du ministre de la fonction publique de l’époque. Mais, il n’y a pas que l’aboutissement qui compte. Il y a aussi tout le cheminement qui y a amené. D’un point de vue de pure efficacité comptable, il eût été bien plus pertinent de confier ce travail à un cabinet de communication qui aurait obtenu un résultat certes plus académique, mais bien plus rapide et plus économique en temps dépensé. Mais, c’est sans compter sur la formidable mobilisation des membres du groupe qui ont appris à se connaître, à s’écouter et à partager un travail en commun. Cet espace d’échange nous aura toutes et tous apporté un grand enrichissement, au point de nous donner envie de repartir ensemble. C’est important que les services ASE mettent en place ces espaces de travail le plus souvent possible, pour donner du sens à notre travail, tisser des liens professionnels, travailler à une culture commune, et nous procurer, malgré tout, du bien-être à travailler sur de situations souvent si complexes et dramatiques : il y va de la bientraitance des équipes.

 

Justement, y a-t-il des suites de prévues?

Anne-Marie ILLERA: Nous avons reçu un intérêt tout particulier des autres Conseil généraux pour notre démarche. Beaucoup nous ont demandé de leur envoyer notre bande dessinée, certains affirmant leur souhait de produire le même type de livret. Non seulement, nous serions enchantés d’être copiés, mais nous avons pris des mesures pour que cela soit possible techniquement : le contrat signé avec l’imprimeur de l’ouvrage prévoit qu’il puisse être édité en personnalisant certaines pages. Pour ce qui est du groupe de travail, nous avions beaucoup de projets. Nous avons mené à bien le livret d’accueil pour les enfants. Il est normalement remis au moment de la commission d’accueil : chaque enfant intègre son lieu de placement avec sa BD. Le groupe aimerait beaucoup continuer le travail engagé et s’ atteler à l’élaboration d’autres outils, tel que cela avait été prévu. Dès à présent, un marque-page spécifique à chaque lieu d’accueil, destiné à être joint au livret est prêt. Il n’attend plus que l’ordre d’impression. Parmi les projets, il y avait aussi un livret d’accueil ou « guide, » à l’intention des parents, ainsi que la réalisation des « carnets de vie », documents destinés à suivre l’enfant tout au long de son séjour à l’ASE. Nous pensions aussi expérimenter un Conseil de la vie sociale, à l’ASE. Nous aurions été les premiers en France, à étendre ainsi l’application de la loi 2002-2 pour une meilleure prise en compte des usagers. Vous voyez, nous avons beaucoup d’idées...

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

LIEN SOCIAL ■ n°913 ■ 22/01/2009