La lutte contre le séparatisme, à la sauce Macron
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dans Articles IV
En tirant à la chevrotine, Emmanuel Macron atteint bien au-delà de ce qu’il vise. Une fois de plus, il s’attaque aux conséquences et non à la source de l’extrémisme islamiste.
La première cible visée, ce sont les établissements hors contrat de l’Education nationale qui seraient sous la coupe d’intégristes religieux. Ces écoles sont aujourd’hui au nombre de 1 700 et scolarisent 85 000 enfants (dont 50 000 dans le primaire et 35 000 dans le secondaire). La plupart de ces structures s’inspirent de pédagogies alternatives (Montessori, Steiner…), s’adressent à des publics spécifiques (écoles bilingues telles Calandreta pour l’occitan, Diwan pour le breton...) ou se centrent sur des territoires défavorisés (espérance banlieue, espérances ruralités…). Sur les trois cent écoles à caractère spécifiquement confessionnel, on imagine que la pieuvre islamiste étend ses tentacules sur tout le territoire. Surprise ! Seule une quarantaine sont d’obédience musulmane. L’immense majorité sont protestantes (40), juives (50) et surtout catholiques (200 écoles). S’il y a une prédominance, c’est donc bien celle de la calotte, plutôt que du Coran ! Ce qui n’en diminue pas la dangerosité. Dans son réquisitoire d’avril 2019, pour obtenir la fermeture d’une école musulmane, le Procureur de Grenoble en faisait une description inquiétante : « Les connaissances sont rabâchées. Il n’y a pas de production orale et écrite, pas d’enseignement artistique, pas de travail de groupe, pas d’ouverture sur le monde, pas d’encouragement à développer l’esprit critique. C’est du lavage de cerveau » (Sud-Ouest). Que dire alors de certaines de ces écoles traditionnalistes catholiques faisant l’apologie de Pétain et de la « race » blanche et refusant d’enseigner la théorie de l'évolution (1) ? De certaines de ces écoles évangélistes où l’on enseigne que les maladies ne sont pas dues à des facteurs chimiques, biologiques ou psychologiques, mais à l’influence de Satan (2) ? De certaines de ces écoles juives qui consacrent la moitié du temps d’enseignement à l’apprentissage de l'hébreu, de la Thorah et du Talmud, imposant la non-mixité, dès le CP et une tenue vestimentaire distincte entre garçons (costume noir, port obligatoire de la kippa) et filles (jupes longues) ? (3) Si l’objectif est bien de s’en prendre aussi à ces bastions de la superstition et de l’obscurantisme, ce serait une bonne nouvelle ! Il y a néanmoins comme un doute : on ne va quand même pas miner les fondements judéo-chrétiens de notre civilisation !
La seconde cible visée, c’est l’école à la maison. C’est tout à fait légal. Ce que la loi Ferry rend obligatoire depuis 1882, ce n’est pas l’école, mais l’instruction. L’éducation nationale est censée exercer, chaque année, un contrôle pour vérifier que chaque enfant concerné accède au « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », correspondant à son âge. Ils sont près de 50.000 élèves à être ainsi scolarisés à domicile. Ils étaient entre 30 et 35.000 en 2017 et 41.000 en 2019. Cette croissance inquiétante ne résulte-t-elle pas d’une influence croissante de l’intégrisme ? Là aussi, le fantasme de l’hydre islamiste n’est qu’un leurre. Car, les raisons de ce choix des familles est bien plus diversifié. La motivation la plus courante relève du handicap ou de la maladie de l’enfant, de sa phobie scolaire ou du harcèlement qu’il a subi. En outre, certains parents, refusant l’élitisme du système scolaire officiel, opte pour une pédagogie alternative, plus respectueuse de l’épanouissement de l’enfant. Les raisons politiques ou religieuses ne sont pas exclues, mais elles sont loin d’être majoritaires. Avant de supprimer l’école à la maison et rendre obligatoire la scolarisation dans un établissement, il eut été pertinent de commencer par essayer de comprendre pourquoi ces familles refusent le système scolaire actuel. Et au passage de régler le problème des plus de 100 000 enfants non scolarisés dénoncé par la « défenseure des enfants » en septembre 2019. L’Education nationale se contenta alors de contester les chiffres !
La troisième cible visée concerne les dérives sectaires dont sont victimes les mineurs. Si le fondamentalisme islamique représente effectivement une véritable menace pour leur épanouissement, celle-ci ne vient pas que du seul salafisme. Les dernières estimations font état de cinq cents groupes sectaires dans notre pays. Ce qui représenterait 500 000 adeptes dont une estimation allant de 60 000 à 80 000 enfants. On ne compte plus les refus de soins au prétexte que la foi, la prière, le surnaturel ou la magie pourraient supplanter avantageusement médicaments ou interventions chirurgicales. Mais, il y aussi l’alimentation carencée : végétarisme strict, crudivorisme, macrobiotique, jeûnes purificateurs ... qui provoquent un déséquilibre alimentaire catastrophique provoquant un risque de retard staturo-pondéral, de décalcification, d’anorexie ou de rachitisme. Les sévices physiques sont parfois édifiés en méthode pédagogique suprême voulue par Dieu, seul moyen pour l’enfant de trouver la bonne voie. On peut comprendre que notre gouvernement cherche à préserver les jeunes générations d’une influence aussi perverse. Mais pourquoi, alors, s’être attaqué cet été, à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui a amplement fait ses preuves depuis sa création en 2002 ? Son personnel a été réduit de 14 à 8 membres et a été contraint de déménager de ses locaux pour être absorbés par le SG-CIPDR (organisme de lutte contre la radicalisation) ?
Emmanuel Macron l’a constaté lui-même : « nous avons concentré des populations en fonction de leurs origines, nous n'avons pas suffisamment recréé de mixité, pas assez de mobilité économique et sociale » et, « sur nos reculs, nos lâchetés, ils (les organisations islamistes) ont construit leur projet ». Tel est bien le problème ! Cela fait des décennies que sévissent le racisme ; la ségrégation par la scolarité, l’emploi, le logement … ; les contrôles policiers au faciès ; l’enfermement dans les ghettos etc… Autant de réalités qui ont fait le lit d’un intégrisme prétendant apporter fierté, reconnaissance et identité à ces populations stigmatisées. Emmanuel Macron a rejeté le plan ambitieux qui lui était soumis par Jean-Louis Borloo en 2018, pour répondre massivement à cette situation. Assécher les sources de la radicalisation passe d’abord par la lutte contre la précarisation, l’aggravation des inégalités et la détérioration des droits sociaux. Ce sont bien ces conditions de vie de plus en plus difficile qui contribuent à jeter une fraction infime de ces personnes ainsi poussées au désespoir dans les bras des intégristes. « Avant de blâmer autrui, examinez-vous » dit un proverbe. Le problème perdurera tant qu’on se contentera de s’attaquer aux effets et non aux causes.
Jacques Trémintin
(1) « A l'école de la Fraternité Saint-Pie-X : la Révolution, cette imposture satanique » Doan Bui, L’obs, 2017
(2) « Rentrée des cla&sses : qu’apprend-on dans une école évangélique » Alice Papin - Le Monde des Religions- (2014)
(3) in « Refus et refusés d'école » PUG, 2020
Mis en ligne sur le site de Lien Social le 5 octobre 2020